J’avais pourtant pris la ferme résolution de ne plus trop trop en faire avec ces séquences. C’est une sorte de solution permanente de facilité, et ça finit par provoquer une véritable nausée. Mais il y a des baudruches qu’on peut tout de même prendre plaisir à voir se dégonfler toutes seules.
Entendons nous. Le problème, ce n’est pas tant que Rachida Dati soit suffisamment dépendante de son portable pour ne même pas se rendre compte qu’elle est en train de s’épancher alors que les micros de l’équipe de télévision qui la suit sont encore en train de l’enregistrer. Le problème n’est pas, non plus, qu’elle soit du genre à aimer les honneurs sans être du genre à aimer les efforts qui permettent de les mériter. Le problème n’est même pas qu’elle constitue manifestement un parasite politique, prête à bouffer à tous les râteliers du moment qu’elle puisse y trouver son compte et un peu d’existence médiatique. Si ce document met en évidence ces choses là, on doit admettre qu’en fait, on ne découvre rien, on n’apprend rien de nouveau sur son compte, on savait déjà tout ça, tout le monde l’a déjà dit. Simplement, jusque là, quand elle niait, montant parfois sur ses grands chevaux, feignant l’indignation, sous entendant même qu’on l’attaque ainsi parce que c’est une femme, parce qu’elle est issue d’une minorité (ce qui est vrai : elle est issue de la minorité riche), c’était sa parole contre celle de ses accusateurs. Désormais, c’est sa parole avec celle des accusateurs, puisque c’est bien elle qui tient ces propos dont on est curieux de voir comment, après coup, elle les assumera.
Mais ce qui importe bien plus, c’est que ces « qualités » de profiteuse et d’opportuniste étaient connues bien avant qu’elle accède à un ministère. D’une part, les bruits couraient (et ce jusque dans ma salle des profs, c’est dire !) qu’il ne s’agissait pas forcément d’une forcenée, voire même que certains éléments du C.V. étaient un peu « arrangés » pour redorer un blason un peu terne. Mais surtout, une telle attitude ne pouvait pas ne pas transparaître dans les propos, les comportements. Si elle se tient maintenant si peu, si elle ne peut pas se maîtriser devant des caméras, on imagine assez bien ce que cela peut donner en privé. Donc, ceux qui l’ont nommée, ceux qui l’ont soutenue, ceux qui ont proposé son nom, ceux qui l’ont servie savaient qui elle est, et s’en sont accommodé. Mais on peut aller plus loin. Parce qu’après tout, la question peut être posée : quel est l’intérêt de placer à des postes clé de la République de telles baudruches, si ce n’est de trouver dans de tels arrivistes, les relais obéissants d’une politique que personne, sinon eux, n’accepterait de mettre en oeuvre ? Sur un modèle historiquement connu et répertorié (je viens d’atteindre le point Godwin de mon article), donner aux sans grades, et aux sans compétences, des postes qu’ils ne méritent objectivement pas permet d’obtenir d’eux une soumission sans faille. On peut tout leur demander, ils le feront, avec cet aplomb qu’ont ceux qui, dénués de conscience, se sentent protégés par une providence toute puissante (la preuve, elle les a mis là où ils sont). Persuadés de faire partie des happy few, confiants dans la légitimité de leur pouvoir, ils ne lésineront pas sur les moyens, sur les provocations, et oseront faire ce qu’aucun autre à leur place n’aurait osé, y compris s’il s’était agi de mettre en place un programme politique cohérent et admissible. On se doute bien que pour réaliser l’inadmissible, il faut des employés qui soient eux même au delà du consternant.
Ce coup de fil n’est donc rien de plus qu’une sorte de C.V. inversé, c’est à dire un témoignage sur les critères de recrutement en vogue dans cette petite entreprise qu’on appelle “gouvernement”, qui est du genre à ne pas connaître la crise. Epanouie, elle exhibe des trésors satinés, dorés à souhait.
Accessoirement, ce document révèle aussi ce que la tête de l’Etat entend lorsqu’elle prononce les mots “travail”, et “mérite”.