Il parait (il faudrait prendre là le mot au sens propre : il nous apparait, parce que c’est la manière dont on nous parle des choses, ou plus exactement, c’est ce qu’on nous montre) qu’en ayant éliminé le pfiston Sarkozy on a échappé à l’introduction dans la belle république de France du népotisme tel qu’on l’entretient en Afrique.
Nous voila donc sauvés de cette mauvaise fiction qui consistait à affirmer que si, en France, on cherche un jeune de 23 ans qui n’en veut, qui aurait quelques aptitudes, quelques compétences à faire valoir, une valeur en somme ou un quelconque mérite, on n’en trouverait qu’un seul, et par le plus grand des hasards ce serait le fils de notre président. Voila qui en dit long sur le niveau des troupes des jeunesses umpiennes, si aucun des jeune prétendants n’arrive à la hauteur de Jean Sarkozy. On sait qu’à vaincre sans ennemi on triomphe sans gloire. Jean Sarkozy aura explosé le dicton, puisqu’il aura spectaculairement laissé tomber un combat qui paraissait gagné d’avance. « Paraissait ». Il faudra sans doute donner de nouveau à ce mot le sens qu’on lui attribuait au début de l’article; on se contentera de se dire que cette supposée victoire, c’est ce qu’on voulait bien nous montrer.
Le fils à Papa ayant été écarté de la course à la direction de l’établissement public dont le père à son fils veut faire une place financière aussi puissante que la City (ce qui en dit long sur la sincérité de ses élans anti-financiaristes, pourtant prononcés main sur le coeur (et ne parlons même pas des concessions à faire sur le terrain de la lutte contre les paradis fiscaux, s’il s’agit à terme de concurrencer Londres !)), on pourrait croire la voie libre pour tout candidat qui serait choisi, cette fois, sur des états de service plus convaincants que le patrimoine génétique, le nombre de redoublements à la fac, l’aptitude à apprendre par coeur un texte plein de formules simples concoctées par le service de presse de son papa ou le taux de ménagères antécinquantenaires qui chavirent devant le sourire ultrabright du jeune premier.
Espoirs déçus. Le nom qui circule désormais pour prendre la tête de l’EPAD, c’est Joelle Ceccaldi-Raynaud. Qui est Joelle Ceccaldi-Raynaud ? Son fait de guerre le plus connu est d’être la fille de Charles Ceccaldi-Raynaud, et d’avoir pris sa suite lorsque celui ci ne put assurer ses responsabilités de maire pour raisons de santé. Quand, une fois remis sur pieds, Charles voulut reprendre son rôle de maire, Joelle refusa tout bonnement, trouvant sans doute que la place était plutôt intéressante, puisqu’elle avait a des ambitions. C’est ainsi qu’en 2008, lors des municipales, les électeurs connurent l’étrange expérience de devoir choisir entre la liste du père et celle de la fille. Majoritaires furent ceux qui optèrent pour l’ambitieuse fille à son père, qui semble ces jours ci ne pas vouloir en rester là.
Mais complétons le portrait, pour ceux qui ne seraient pas déjà suffisamment édifiés par l’épisode de la trahison de son propre père (admettons que ce soit déjà parlant, non ?). Alors compilons : menaces proférées sur les fonctionnaires de la police, parce que le fiston avait été verbalisé (ça énerve tout le monde, quand ça arrive, mais tout le monde n’a pas le pouvoir de débarquer au commissariat pour menacer les auteurs du pv !) (cf, Le Parisien, 14.02.2003, p. 14) – Mise en examen du père pour favoritisme est corruption passive dans l’attribution des contrats de chauffage de la Défense (ah ben, ça commence bien !) (cf, Libération, 14.08.2007, p.10) – Procès perdu en diffamation contre un blogueur de Puteaux régulièrement critique vis à vis de la politique municipale, victime de calomnie visant à le faire passer pour pédophile (oui, rien que ça).
En somme, s’il fallait démontrer que la manière dont on pense et agit politiquement est une affaire de famille, le duo Ceccaldi-Raynaud semblerait créé dans quelque laboratoire de technologies génétiques afin de fournir une expérimentation convaincante. Mais le cas ne défie pas que les études d’hérédité : les statistiques sont, elles aussi, mises à rude épreuve : sur la population française, ou même la simple population du 92, on pourrait calculer combien on a de chances que le premier nom cité pour prendre la tête de l’EPAD soit celui du propre fils du président. Mais on pourrait se demander quelles sont les chances, statistiquement, pour que le second nom soit, lui aussi, celui d’une fille de notable politique local. Ajoutons à ces ingrédients cet élément suivant : les Ceccaldi-Raynaud peuvent difficilement être plus proche du président qu’ils ne le sont, puisque l’un et l’autre lui ont servi de doublure politique : lorsque l’actuel président jonglât de mandat en mandat, ils étaient là, assistants fidèles, pour récupérer sa place et la conserver au chaud au fur et à mesure qu’il gravissait les échelons qui devaient le mener là où il est.
Ce qui nous amène à ceci : nous nous inquiétions parce que la progéniture du président commençait à prendre pas mal de place dans le paysage politique, et nous avons bien concentré nos airs scandalisés sur la question « familiale ». Mais la véritable question n’est pas de savoir si Jean Sarkozy est le fils de Nicolas. La véritable question est de savoir quel est le nombre et quels sont les noms de ses clones, disséminés un peu partout dans le système politique, tels des drones téléguidés de l’extérieur, n’ayant aucune capacité de prise de décision autonome, débitant des textes écrits pour eux, au mot près, à l’intonation près, au rictus près, le jour dit, à l’heure H. Synchros, droits dans leurs bottes, contre vents et marées des aberrations présidentielles, non pas aveugles à « ce qui se passe », mais voyant bien ce qui s’installe, et se disant qu’il y aura bien des miettes qui vont tomber.
L’EPAD, c’est une miette parmi d’autres, donnée à un pigeon, peu importe finalement que le président pigeonne son propre fils ou quelqu’un d’autre. Il ne s’agit que de placer par ci par là, partout où il y a des verrous économiques à actionner, des flux financiers à capter, des clones, dénués finalement d’ambition personnelle puisqu’il ne s’agit pour eux que de développer et accomplir l’ambition d’un autre. Seul espoir : à force de faire croire à tous qu’en accomplissant l’ambition du président, chacun réalise aussi ses propres ambitions, à force de mettre tout le monde en concurrence, y compris dans son propre camp, Sarkozy multiplie aussi les déçus parmi les cocus de l’histoire, qui réalisent mais un peu tard qu’ils sont plus mauvais qu’ils ne le pensaient au poker politique. Joelle Ceccaldi-Raynaud fait déjà partie des encornés de l’histoire, parce que dans le projet de fusion globale des territoires autour de La Défense (projet qui a pour objectif de capter les énormes ressources potentielles de Nanterre, punaise communiste dans la godasse des seigneurs UMP du 92), Puteaux, fief de la caste Ceccaldi, se trouve un peu lésée. Le problème, avec les pions politiques, c’est qu’ils ne jouent les coups qu’on leur destine qu’en leur faisant croire qu’ils sont la reine sur l’échiquier. Lorsque les masques tombent, ils connaissent tous un moment de doute et de rébellion. Ainsi, le conseil municipal de Puteaux a voté le 23 Octobre contre le projet d’extension de La Défense. Non pas qu’il soit, en fait, contre, mais parce qu’il ne s’en juge pas suffisamment maître. Nul doute que prendre le pion Ceccaldi-Raynaud, et la faire se prendre de nouveau pour une reine en la propulsant miraculeusement au delà des ambitions dont elle était elle même consciente, elle qui doit certains soirs, à la sortie de quelque réunion, ou de quelque dîner, et demander à son chauffeur d’emprunter l’anneau que forme le boulevard circulaire qui ceinture le quartier d’affaires, en murmurant sur sa banquette arrière « Mon précieux, mon précieux anneau, quand me reviendrez-vous ? », nul doute qu’une promesse de plus devrait faire revenir la jeune rebelle, qui n’a pas compris que la logique d’accaparement ne pouvait pas être pratiquée par tous, dans le droit chemin. Hypnotisée par le pouvoir de l’appartenance au cercle du Pouvoir.
Et comme dans Louise-Michel, si jamais un jour ou l’autre on abattait (politiquement, bien sûr, puisque malgré tout « ce qui se passe », nous ne saurions aller jusqu’à avoir envers cet éco-système là de quelconques pulsions de violence (et puis, nous ne sommes pas armés, et c’est peut être aussi bien comme ça)) cet homme là, peut être se rendrait on enfin compte qu’il n’est lui même que le clone mis en vitrine par d’autres, à l’avance sacrifié au profit d’ambitions plus élevées encore, qui se dissimuleront toujours derrière des figurants, dont « Sarkozy » n’est que le nom générique du moment, bientôt effacé par ceux qu’on pose déjà, à droite à gauche, dans notre paysage, pour prendre le relai que nous, électeurs, leur donneront, exactement comme nous devons le faire.
Pour compléter :
http://www.grebert.net
http://www.monputeaux.com/