Monogrenade
Le Fantôme
J’ai marché
Je me suis égaré
Avec vous
J’aurais dû rester
Quand elle m’a
Quand elle m’a trouvé
J’ai déjà oublié
Le bruit du vent
Le bruit du vent
Seul
Pendant longtemps
A compter les hivers
S’empiler sur ma tête
Viens
Descends
Descends
Et laisse toi
Tomber jusqu’en bas
Ici
Tu ne sentiras plus le froid
Le froid
Le froid
Le froid
Puisqu’il gèle à pierre fendre dehors, autant mettre l’intérieur au diapason, afin de ne plus le sentir, le froid, le froid, le froid. Après tout, on peut entendre ce morceau ainsi : écouter la musique, c’est être le fantôme de celui qui l’enregistre. Absent du studio, on est cependant présent, à l’écoute de ce qui se joue. Là sans être là, présent/absent ; discret. Le musicien, seul depuis longtemps, convoque les esprits pour qu’ils viennent écouter. Le bruit du vent s’oublie, mais on peut aussi se le remémorer.
Il y a, alors, quelque chose dans l’art d’être spectateur, qui consiste à faire apparaître quelque chose du passé, quelque chose qui mériterait d’être retenu, dont le morceau joué, le film projeté, les pages lues sont autant de surfaces sur lesquelles ça peut se jouer de nouveau, identique, à l’infini. Le phénomène de vérité qui se joue alors, Platon l’appelle alethéia dans le fameux passage de La République où il met en scène l’allégorie de la caverne, et ce mot signifie quelque chose comme « ce qui se tient hors de l’oubli », ce qui échappe à l’oubli.
L’oubli de l’oubli, c’est ce que met en scène ce film de Kristof Brandl, méticuleusement photographié par Christophe Collette. Ce film, qui est un peu l’image dans le miroir de Eternal Sunshine of a Spotless Mind, cette autre grande oeuvre sur l’impossibilité de la désunion avec le passé, alors même qu’on ne peut le rejoindre, ce film n’est pas l’illustration de cette chanson, ce serait plutôt son écho, ailleurs, sur un autre plan, comme son image fantomatique, justement.
Quand on est allé vers l’irréparable, que les arrêts sur image ne peuvent plus rien, parce que nous nous mettons toujours devant le fait accompli, on ne peut que contempler le désastre depuis la fenêtre de sa mémoire. C’est à ce moment d’équilibre par avance rompu entre l’avant et le plus jamais qu’invite ce mini-métrage, avec, en digestif, l’antidote qui permet de ne pas rompre tout à fait avec soi-même : l’ivresse.
Le Fantôme est tiré de l’album Composite
NB : J’ai restitué les paroles de ce chant. Après quelques recherches, je ne les ai trouvées nulle part. Et certains sites en proposent une version qui est manifestement complètement fausse. Celle-ci n’est pas forcément tout à fait juste. Ce chant est comme prononcé dans une langue étrangère, et c’est ce qui en fait aussi une expérience singulière. On pourra sans doute y entendre autre chose, qui sera juste aussi.
En Bonus, une version jouée devant la caméra, parce qu’ainsi, c’est beau aussi :