Un été (un été ? Quel été ? Il semblerait qu’il faille fissa changer la définition de ce mot, tant sa description laroussienne (du dictionnaire Larousse, et non de la chanteuse Larusso) semble éloignée du laps de temps vaguement situé entre Juin et Septembre : météorologiquement, autant dire que la dose de soleil semble réduite à sa portion congrue, et pour ce qui concerne les congés payés, il semblerait que quelques détails économiques les remettent en question (ce qui constitue, après tout, une assez bonne opportunité de les remettre en question dans le droit du travail aussi (hypothèse non crédible ? On parie ?))) et un déménagement plus loin, voici les affaires qui reprennent, et le blog qui va être arrosé de nouveau. L’absence fait autant de bien que l’alimentation régulière de cette colonne, et permet de prendre un peu de recul, et ce d’autant plus que l' »été » nous aura montré que nos questionnements politiques ne sont finalement pas si actuels que ça, puisque la configuration globale du monde semble bel et bien, finalement, toujours fondée sur l’idée qu’il y a un mur entre des blocs dont les intérêts semblent devoir irrémédiablement diverger. Contrant toutes les promesses menaces de la mondialisation, nos affaires communes semblent être toujours barrées de deux grands traits, le premier séparant classiquement l’Est et l’Ouest, comme on s’y est habitués, le second le Sud et le Nord, comme on s’y habitue tout autant. Une grande croix est donc tracée sur Terre, et on ne sait trop si cela doit être interprêté comme une élection venue de l’au delà, ou comme une décision collective et humainement autonome de nous rayer nous mêmes de la carte.
Voila qui rend le polichinelle du tiroir datien bien anecdotique, voila qui rend les « comme si de rien n’était » parfaitement superficiels, (bien que stratégiques, mais ça montre bien à quel niveau se déploie la stratégie politique française, alors que nous en serions presque à remercier les pères créateurs de la bombe atomique pour leurs bonnes oeuvres, parce que, mine de rien, si on n’était pas armés jusqu’aux dents de bombes dont on peine à imaginer leurs effets, sans doute la troisième guerre mondiale aurait elle été déclarée cet « été » (et vu comment nous avons du mal à supporter la mort de dix soldats (bien sûr, quand un des arguments du départ en Afghanistan fut sans doute le fait que cette mission permettrait de payer la Laguna coupé qui va bien, le retour les pieds devant doit « un peu » faire regretter de ne pas avoir coché la case « assurance » de l’emprunt qu’on comptait rembourser grâce à cette période de service à l’étranger, parce que là comme ailleurs, nous en sommes là, n’est ce pas ?), il semblerait que nous soyons devenus singulièrement inaptes à la guerre))). Plaise aux muses que cela permette à ce blog de trouver une inspiration un peu plus élevée qu’elle ne le fut la saison dernière. Mieux vaudrait explorer de nouveaux territoires, puisque, quoi qu’il arrive, il semblerait bien que nos paysages doivent changer radicalement, tôt ou tard.
Et pour commencer l’année d’un bon pied, quel meilleur territoire explorer que celui du corps des autres ? J’avais un peu exploré de nouveau les fragments du discours amoureux de Barthes, et je suis tombé tout récemment sur ce clip de Fatboy Slim, accompagné de Dizzee Rascal, tous deux encadrant de manière énergique la voix de David Byrne (ah, voila qui est parfait, les occasions de fusion et d’effusion se font rares ces temps ci, et on a l’impression de bénéficier du « best of both worlds », sentiment pas si fréquent que ça. Ajoutons que le clip est juste parfait. Sans doute à cause de mes lectures, les signes accompagnant les corps m’ont tout de suite reconnecté à Barthes. Je ne suis pas sûr de ne pas plaquer sur le mini film des intentions qui n’y sont pas du tout. Peu importe. Le morceau est déjà une hybridation joyeuse, rien n’empêche de pousser le mélange encore plus loin.
Et puisque le clip met en scène le corps des autres, accompagné des signes qui servent à le cacher au moment même où on le montre, j’envoie le lecteur vers quelques lignes barthiennes, soit « le corps de l’autre » dans les fragments d’un discours amoureux :
« Parfois une idée me prend : je me mets à scruter longuement le corps aimé (tel le narrateur devant le sommeil d’Albertine). Scruter veut dire fouiller : je fouille le corps de l’autre, comme si je voulais voir ce qu’il y a dedans, comme si la cause mécanique de mon désir était dans le corps adverse (je suis semblable à ces gosses qui démontent un réveil pour savoir ce qu’est le temps). Cette opération se conduit d’une façon froide et étonnée; je suis calme, attentif, comme si j’étais devant un insecte étrange, dont brusquement je n’ai plus peur. Certaines parties du corps sont particulièrement propres à cette observation : les cils, les ongles, la naissance des cheveux, des objets très partiels. Il est évident que je suis alors en train de fétichiser un mort. La preuve en est que, si le corps que je scrute sort de son inertie, s’il se met à faire quelque chose, mon désir change; si par exemple, je vois l’autre penser, mon désir cesse d’être pervers, il redevient imaginaire, je retourne à une Image, à un Tout: de nouveau, j’aime. »
Je relis ces lignes, et je me dis soudainement que cela pourrait tout aussi bien parler de fist fucking, traçant le territoire de ces stratégies d’exploration de l’autre, et leurs frontières, aussi. Du coup, il me semble que l’ordonnance sera davantage complète en jetant un coup d’oeil au passage que Barthes consacre au strip tease dans ses mythologies.
Dévoilements incomplets, entretien du désir (non pas fixé sur soi, mais du désir, dans ce qu’il a toujours d' »au-delà »), voila un bon programme pour la rentrée d’un blog. Les affaires reprennent.
Nous ? Inaptes à la guerre ??? Mais, mon cher Monsieur, vous fantasmez très certainement. La France collabo est tout à fait apte à faire la guerre, puisque c’est ce qu’elle fait en continu depuis 1940 : elle mène rageusement le dernier combat contre son propre néant.
Bonne rentrée à tous !
hmmm… j’ai toujours peur de lire un peu d’aigreur entre les lignes de ces propos, tout en me disant qu’étant donné d’où ils viennent, ça ne peut pas être que cela.
Et si combat contre le néant il y a, je ne suis pas sûr qu’il soit spécifiquement français. Pour ce qui est de l’aptitude à la guerre, au sens classique du terme, je persiste à penser que nous y sommes peu préparés. Enfin, peu importe, d’ailleurs.