On l’aura peut-être noté, il y a peu de publications dans les environs ces temps ci.
Comme on n’aime pas porter soi même le poids de ses responsabilités (ce qui signifie en somme qu’on n’est pas très responsable), on dira que c’est la faute des heures supplémentaires qui deviennent monnaie courante dans l’éducation nationale. 5h30 en supplément au tableau de bord de ma pointeuse cette année. Ca n’a l’air de rien, comme ça, mais c’est un quart de poste, ce qui signifie qu’un quart de chercheur d’emploi a le droit de m’en vouloir à mort, mais aussi qu’un quart de mon compte en banque me dit merci. C’est ainsi qu’on nous tient. On nous tiendrait pas les couilles, ça ne serait pas plus douloureux.
Du coup, plus trop de temp pour écrire.
Pire, même plus vraiment de temps pour penser. Et on finit par se demander si ça n’est pas là le véritable but de l’opération : que, déjà, on soit prêt à accepter cette compromission politique; qu’on soit de plus capable de penser que c’est plutôt plaisant, ces heures sup’ défiscalisées, qu’on soit même presque tentés d’espérer, dans les moments de faiblesse, que ça ne soit pas remis en question. On nous donne évidemment bonne conscience : à strictement parler, le boulot que j’effectue lors de mes heures supplémentaires est constitué de missions qui ne seraient pas proposées à quelqu’un d’autre si je ne les prenais pas en charge : initiation à ma discipline pour des classes qui ne l’ont pas au programme, aussi bien en seconde qu’en première, suivi d’une classe dans leur préparation de TPE, etc. Armé de ma seule bonne conscience, puisque j’ai vendu la mauvaise au diable, je peux me livrer consciencieusement à la correction des copies produites, en flux tendu, par mes 250 élèves dont, Dieu merci, seuls 180 suivent un cursus qui nécessite que je les évalue de manière très régulière. Ca permet de remercier Dieu une deuxième fois de faire partie de ces quelques spécimens qui n’ont besoin que de quelques rares heures de sommeil chaque nuit, et qui à cause de cela mourront jeunes, ce qui leur évitera pas mal de déconvenues concernant la possible perte progressive de sens du mot « retraite ».
Force est de reconnaître que, de toute façon, il devient inutile de penser un cours des choses qui semble se passer fort bien de toute intelligibilité, dans un monde qui nous susurre déjà à l’oreille qu’il n’a en fait plus vraiment besoin de nos services, ni pour travailler, ni pour consommer, et bien moins encore pour le penser. A partir du moment où tout peut arriver, à partir du moment où, mieux encore, tout et n’importe quoi arrive réellement, à partir du moment où tout devient simultanément tout à fait conforme aux prédictions qu’on pouvait effectuer mais aussi totalement absurde (au moment donc où on doit bien admettre que l’absurdité présente était en fait tout à fait prévisible, ce qui en dit long sur notre aptitude à ne pas vouloir regarder les choses en face, et à préférer tenir quelques propos narquois et sarcastiques, comme si on en était de lointains observateurs suffisamment dégagés du cours des choses pour pouvoir se permettre d’en parler sur le seul mode de l’ironie.
Bilan : depuis quelques temps, pas beaucoup d’articles, tout ça parce que le temps manque.
Je profite d’une franche saturation dans les copies pour lancer la mise en ligne de quelques petites choses que j’avais tout de même en stock depuis quelques temps. J’en profite pour apprendre à faire court. De toute façon, il paraitrait qu’aujourd’hui plus personne ne lit de longs textes. Faut-il s’y faire comme on se fait à tout le reste ? On n’en a pas vraiment l’intention, mais il est probable que, sur ce versant ci du monde, les articles se fassent plus courts. Dans l’outre-monde, où les affaires suivent leur cours plus normal, on conserve une aptitude au développement un peu excessive, mais c’est tout à fait volontaire.