Vue dans le métro, une publicité Carrouf’, qui prétend augmenter notre pouvoir d’achat.
Chouette. J’avais justement envie d’acheter davantage de choses (mais qui n’a pas envie d’acheter, puis de posséder plein de choses, (nos ancêtres (un poil archaïque certes) n’allaient ils pas jusqu’à détruire en public leurs biens pour faire la démonstration de leur puissance ?))?), Carrouf’ m’en offre l’opportunité, et je les en remercie.
On devine donc que l’enseigne va se saigner aux quatre veines pour permettre à ceux qui n’accédaient pas au nécessaire de se le procurer, et aux autres de s’offrir ce quelque chose qui se situe toujours au dessus de nos moyens, et qui justifie nos courbettes hiérarchiques, nos heures sup’ payées de promesses de grimpette vers le septième échelon, nos téléphones portables branchés 24h/24, au cas où on nous sonnerait en pleine nuit. Merci mille fois chers responsables de la chaine Carrouf’, de prendre ainsi soin de nous, en rognant sur ce qui leur est le plus précieux : les bénéfices.
Pourtant, en regardant la pub, on se demande si on n’a pas là un joli cas de retour du refoulé. En effet, le visuel propose, pour illustrer cette généreuse quête de pouvoir d’achat, une photo d’une touche de clavier ayant pour objet de déduire, on se le donne en mille… la TVA ! Il faut reconnaître à cette chaine une certaine honnêteté : à aucun moment la publicité ne dit clairement que c’est le client qui doit voir son pouvoir d’achat augmenter. A aucun moment non plus on ne dit que ce sont les entreprises de grande distribution qui doivent renoncer à leur bénéfices, ni à leurs méthodes.
Non non, ce que vise la pub, c’est à installer dans nos esprits le fait que c’est la TVA, bref, les taxes, qui entament le pouvoir d’achat de nous autres, clients de supermarchés.
Pourtant, si on réfléchit aux principes de la taxation, et à ceux du bénéfice de la vente, on peut se dire qu’à tout prendre, la taxe est une manière de financer des projets ou des structures collectifs, alors que le bénéfice ne finance que certains (et bien sûr, il serait naïf de croire qu’il est partagé avec les salariés : les caissières du groupe savent, à leurs dépens, que ce n’est pas le cas, et de loin).
Ainsi laisse t-on le groupe diffuser en toute tranquillité son petit message : laissez nous baisser la TVA, laisser nous, en gros, éponger vos ressources collectives, nous ferons d’autant plus de bénéfices que vous viendrez plus nombreux acheter chez nous alors même que notre marge sera au moins la même (on peut imaginer que les prix ne baissent pas tout à fait à la mesure de la disparition de la taxe, ce serait industriellement stupide). On laisse donc affirmer, par les fautifs eux mêmes, que la cause de la baisse du pouvoir d’achat est dans l’Etat, qui ponctionne trop, et on ne propose surtout pas de comparer d’un côté ce que les prélèvements étatiques ponctionnent, à ce que la rétribution des actionnaires et des plus gros salaires coûtent à l’entreprise, et donc au consommateur. On serait pourtant curieux d’avoir un tel comparatif, pour savoir qui ponctionne vraiment qui, à quelle hauteur, et surtout dans quels intérêts (parce que, que l’on sache, quand l’Etat prélève, c’est pour en faire bénéficier à tous, et quand un actionnaire prélève, jusqu’à preuve du contraire, c’est dans son seul intérêt, faut-il vraiment rappeler ce genre d’évidences ? On peut craindre que ce soit, malheureusement, nécessaire).
Ajoutons que la proposition de Carrouf’, de soustraire symboliquement le montant de la TVA s’apparente plus à de la propagande politique qu’à de la publicité conventionnelle. Elle indique au client quel bénéfice immédiat il pourrait faire en renonçant à tout investissement futur, ce qui demeure un grand classique dans la société de consommation.
Et pour finir de se convaincre des bonnes intentions du groupe, on peut s’amuser à jeter un coup d’oeil à la liste des produits concernés par cette déduction édifiante de la TVA (c’est un extrait de leur propre publicité sur le net) :
Les familles de cette semaine (19/05/08 au 25/05/08)
Soins du corps Epilation Féminine / Soins du corps Hygiène dentaire / Soins du corps Forme/Beauté / Soins du corps Confort/Relaxation / Bain / Riz / Fromage à la coupe Pâtes molles / Fromage à la coupe Pâtes persillées / Fromage à la coupe Chèvres et brebis / Fromage à la coupe Pâtes Fraîche, fondu et allégé / Fromage à la coupe Pâtes Pressées cuites / Fromage à la coupe Pâtes pressées non cuites / Fromage à la coupe Fromage Biologique / Fromage à la coupe fromage Typique régionaux / Fromage à la coupe Crémerie et OEuf Vrac / Fromage à la coupe Fromage Emballage progressif / Céréales Toutes les céréales sucrées / VAJ Vaisselle à jeter décorée / VAJ Vaisselle à jeter couleur unie / VAJ Vaisselle à jeter blanche / VAJ Vaisselle à jeter enfant
C’est parfait : les familles en difficulté pourront se gaver de fromages à pâtes molles, qu’ils se serviront dans un magnifique service de vaisselle à jeter, ce dernier détail n’étant pas anodin : le pouvoir d’achat n’est pas celui d’avoir, et ne doit jamais le devenir, personne ne doit être satisfait, sinon, on n’achèterait plus. Pourtant, ne plus avoir besoin d’acheter demeure la meilleure manière de se foutre complètement de la question de la hauteur de son pouvoir d’achat (ça solutionnerait pas mal d’autres choses, aussi, soit dit en passant). Transformer la consommation en destruction (et c’est bien le cas dans le royaume du jetable), c’est évidemment condamner à la consommation. Là aussi, les choix sont tout sauf anodins. Au mieux relèvent ils de l’acte manqué mais cela demeurera une campagne réussie, tant que les cibles manqueront à ce point de conscience des « choses ».
Ah, dernière chose : cette déduction de la TVA est la mesure n°1 que lance Carrouf’ pour rehausser son pouvoir d’avoir des clients. Oui, nous lisons bien, il s’agit d’une « mesure ». A les lire, on croirait que ce sont eux nos dirigeants. Mais nous nous doutons bien aussi que quand ils nous voient nous rendre dans des bureaux de vote, quand ils rencontrent nos députés dans les couloirs de l’assemblée nationale (et, de plus en plus, bien plus loin que dans les couloirs, d’ailleurs), eux aussi se disent « à voir ce peuple, on pourrait croire qu’il détient le pouvoir.
« L’idéologie dominante actuelle présente l’impôt non pas comme l’outil indispensable à la mise en place de services publics nécessaires au fonctionnement d’une société qui soit autre chose qu’une jungle, mais comme une pénalisation de ceux qui gagnent de l’argent, et s’en voient spoliés par les fainéants. […] » Alain Trautmann.
Ah !
Ca pouvait donc être dit en quatre lignes ! 😀
oui mais pas aussi bien 🙂
bon courage pour les épreuves à venir, bises !
Lulu, arrête de fayoter ! Ca sert à rien, c’est pas lui qui va corriger tes copies !
« Epreuve ».
Parfois, les choses portent leur juste nom ! 😀
Je crois que Monsieur Michel est, en fait, un tantinet jaloux… n’est-ce pas ? (hé hé) 🙂
Mes dernières oeuvres publiées s’appellent :
– Prévenir le cancer professionnel,
– Des piscines à l’industrie agro-alimentaire : chloramines et irritation oculaire,
– L’amiante ou comment empêcher un risque majeur en santé publique d’émerger…
C’est dire que ne me situant pas exactement sur le même registre que le jkrsb, je peux en effet ressentir une certaine jalousie. En revanche, je suis très en avance sur lui, je crois, pour les interviews au Figaro. Je ne manquerai pas de vous signaler la prochaine qui devrait paraître incessamment sous peu… puisque j’ai donné l’entretien mardi soir.
Et puis j’oubliais : je dois remettre bientôt à un éditeur le tapuscrit « Pour en finir avec le cancer de la vessie en milieu professionnel ».
Si vous êtes vraiment très chiants, je vous promets un post sur tous ces sujets ! Ou la liste extensive de la centaine de publications que j’ai commises dans différentes revues. Rien qu’à lire les titres, vous allez atteindre le nirvana (oui, oui, l’anéantissement final…)
Quant à mes fans les plus résolus je leur donne rendez vous à la fac de médecine de Bobigny samedi matin : je gage qu’il va rester quelques places dans l’amphi au moment de mon exposé…
bon, je n’ai pas été compris comme je l’aurais voulu, et je n’avais pas pensé à cette éventualité, qui est pourtant peut être la plus évidente…
je ne me permets jamais d’être « piquant », tout d’abord parce que je ne le sais pas, mais surtout parce que je n’aime pas ça, par conséquent ma « pique » avait un sens tout à fait innocent, ou léger, et se voulait drolatique:
je m’amusais bêtement à faire entendre que vous pouviez sembler jaloux de la fayoterie, trop exclusive, dont je peux faire preuve à l’égard de jkrsb…
m’enfin, ça ne cherchait pas du tout loin ! et je m’excuse d’avoir pu paraitre un peu autre,
à bientot !
ps: en tout cas votre travail est très utile !! peu importe qu’il soit moins fun
Héhé
Joli déni, cette focalisation sur la jalousie intellectuelle 🙂
Le cancer de la vessie sur le lieu de travail, c’est à cause de la qualité déplorable de l’eau dans les fontaines que les entreprises mettent à disposition des employés ? J’ai déjà imaginé nous débarasser de l’ensemble des cadres que compte la planète en empoisonnant la source à laquelle puisent ces fameuses bonbonnes. Et puis je me suis dit « bof, ça ne touchera pas leurs supérieurs, les cadres sont devenus remplaçables comme les ouvriers le furent en leur temps », et je me suis abstenu.
Quant à la publication sur l’amiante, elle ne peut que pousser à regretter son manque de succès en librairie.
Toujours est il que je ne savais pas qu’il y avait tant de titres déjà publiés, et que ça force quelque peu le respect. Ca éclaire (un peu) sur l’emploi du temps du Michel, qui, entre deux voyages est-européens semble bel et bien payé à faire quelque chose ! (et doublement, même, étant donnés les droits d’auteurs que doivent générer ces publications !) 😀
Mais ça n’enlève rien au soupçon de jalousie(qui ne vient pas de moi, je préfère le rappeler avant de subir les foudres de l’archange !!!).
Je n’allais quand même pas étaler notre putative vie privée commune sur la place publique, n’est-ce-pas jkrsb ?
Deux précisions :
– Je ne touche pas un centime de droit d’auteur sur ces différentes publications : quand, par hasard, il y en a je les refuse, et toc pour l’éthique ;
– Quant au cancer de la vessie, il touche majoritairement les malheureux qui ont été exposés aux goudrons, aux huiles d’usinage, aux amines aromatiques et autres produits industriels : les cadres sont donc (mal ?)heureusement à l’abri… Je me suis permis d’écrire « mal » (mon fond n’est quand même pas si mauvais) parce que je me demande si des efforts plus sérieux n’auraient pas été effectués si les Directeurs de nos grandes entreprises étaient concernés…
A vrai dire, je ne m’inquietais pas vraiment pour les droits d’auteur, et je n’imagine malheureusement pas des tirages equivalents à ceux de Marc Levy ! (et d’ailleurs, si droits d’auteur il y avait, ils ne seraient pas volés !).
Bon, donc, pour éliminer les cadres, il reste bien la solution de l’empoisonnement des bonbonnes d’eau, je garde le projet en poche !