Ok, les regards en arrière font un peu l’effet d’une descente après un trop long moment de trip. Et d’accord, on doit bien admettre que ces temps ci, on solde les comptes, on nous met devant les faits accomplis et on nous prépare à un sevrage dont les organisateurs n’ont pas le droit eux-mêmes de l’appeler « rigueur », ce qui rend probable qu’on ne soit pas autorisé à dire qu’il sera violent.
Mais certains mouvements de retrospective peuvent être lucides sans être ni réjouis, ni vains.
Illustration avec le groupe Bruit qui court, qui ne fait médiatiquement pas grand bruit justement, mais qui réussit, à la croisée de styles aussi étrangers les uns aux autres que le slam, le rock, le rap, la chanson militante, ou la chanson réaliste, à cibler des sentiments diffus, des impressions dont on sait qu’elles sont intimes tout en espérant quelles puissent être partagées par d’autres, à mettre des mots sur ces paysages flous que sont nos mémoires collectives délavées par les acides de la propagande, et à moitié effacées par les mots d’ordre réclamant qu’on ne regarde que droit devant. A l’écoute, on devine qu’on rencontre là des complices potentiels, et ce n’est pas si courant dans le paysage musical français du moment.
Sous mon blouson est sans doute ce que le groupe a fait, jusque là, de plus net dans cette direction. Mais on conseillera l’écoute de l’album dans sa totalité. Il s’intitule Tuez le flic en vous. Et bien sûr, ce titre fait sur vous l’effet qu’il doit faire aux esprits encore animés d’un soupçon de reste de vie. Un, on le trouve bien trouvé. Deux, on découvre qu’il y a effectivement un flic qui se planque en soi.
Pire. Chez moi j’en ai découvert deux. Et au moins l’un des deux doit être abattu. J’essaie. Mais il résiste.