Evacuons le decorum impérial de miss Tolstoï pérégrinant à travers Paris dans son carrosse (un rêve récurent m’enfonce dans un sommeil toujours plus profond, on y voit une Maybach encadrée d’une escorte de motards républicains (abusés, en tant que biens publics) qui, après sa pause réglementaire chez Hediard, file à bon train vers l’hôtel particulier où l’attendent ses hôtes; prise d’un soudain et énième caprice, elle demande, par l’interphone qui la sépare tout autant qu’il la met en contact avec son chauffeur, de piquer une pointe de vitesse sur les quais de Seine, et de couper par le tunnel du pont de l’Alma; à ce moment du rêve, les éléments deviennent confus : 13è pilier, Fiat Uno, décollage parfait de la limousine, toît vitré explosant en pluie fine et acérée sur Alexandra elle même en translation dans l’habitacle, à la vitesse exacte à laquelle la Maybach filait au moment de l’impact, libérée de toute ceinture, projectile blond platine filant droit sur la vitre de séparation, qu’on avait pris soin de choisir blindée, afin d’assurer une surface de contact totalement intacte au moment où la boîte cranienne viendrait y reposer, en paix; en tant normal, je devrais alors me réveiller, mais étrangement, docteur, j’éprouve à ce moment comme un sentiment de retour à la normale, et je prolonge mon roupillon, avec l’impression d’avoir, au volant de ma fiat prolétarienne, accompli ma mission), ne gardons que la bande son, parce qu’elle vaut plus que les spots qu’elle illustre.
Henry Mancini restera sans doute dans l’histoire comme le compositeur de bandes originales inoubliables, telles que, bien sûr The Party, ou la légendaire Panthère Rose. Le titre qu’on partage ici, s’intitule Lujon, et il fut composé pour une série des années 50, Mr Lucky. On le retrouve d’ailleurs dans l’album de Mancini, Mr. Lucky goes latin, dont il constitue une sorte de point culminant. Néanmoins, je le trouve finalement en meilleure compagnie dans la sélection proposée par DJ Cam dans sa compilation Honeymoon selected by DJ Cam. Ici, finie la lutte des classes, tout le monde roule en limousine feutrée, tout n’est que luxe, calme et volupté.
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