« Pour répondre au progrès technique, le consommateur n’a que sa volonté obstinée et bornée d’éviter surtout l’acquisition de rossignols, de ne jamais être en retard sur le processus de production en cours et de ne jamais se demander à quoi sert un produit. Faire comme tout le monde, participer à la bousculade, faire la queue, voilà qui vient remplacer tant bien que mal les besoins rationnels. La haine à l’égard d’un film vieux de trois mois, auquel on préférera vaille que vaille le dernier sorti – en tout point équivalent – est à peine moins forte que la haine pour une composition radicale trop moderne. De même qu’ils veulent toujours ne rien manquer, de même les clients de la société de masse, ne peuvent-ils rien laisser passer… Alors que le mélomane du XIXe siècle se contentait de voir un seul acte de l’opéra, en partie pour cette raison barbare qu’il ne voulait pas abréger son dîner pour un spectacle, la barbarie est arrivée entre-temps à un point tel qu’elle ne parvient plus à se rassasier de culture. Tout programme doit être avalé jusqu’au bout, tout best-seller doit être lu, tout film doit être vu pendant sa période de plus grand succès, dans la salle d’exclusivité. La masse de ce que l’on consomme sans discernement atteint des proportions inquiétantes. Elle empêche qu’on s’y retrouve et, de même que dans un grand magasin on se met en quête d’un guide, la population, coincée entre tout ce qui s’offre à elle, attend le sien. »
Theodor W. Adorno; Minima moralia. Réflexions sur la vie mutilée (1951)
C’est aussi dû à notre éducation : « finis ton assiette ». On nous éduque ainsi dès notre plus jeune âge. Après, y voir une forme de fétichisme de la marchandise, c’est peut être un peu poussé ! Très cordialement, un fétichiste dans l’âme !!
Je pense que vous et Adorno parlez de fétichismes très différents. Si je vous devine un peu, il me semble que, précisément, ce que vous fétichisez, quoi que ce soit, n’est pas, pour vous, de l’ordre de la marchandise. Ce qu’évoque Adorno, c’est une volonté de consommer qui s’accomplit sous l’injonction de la masse, celle-ci désignant ce qui doit être consommé, et chacun mettant tout son coeur à le consommer jusqu’au bout pour montrer combien il participe, totalement.
Je devine que votre propre rapport au fétiche es t bien plus personnel, et qu’il se vit, même, en marge de ce que les autres reconnaissent comme méritant une telle attention. Ce que décrit Adorno, en fait, c’est l’envie, alors que je suppose que chez vous, c’est davantage de désir qu’il s’agit.
Bref, je ne crois pas qu’il faille réduire toute forme de fétichisme au processus de consommation. On doit pouvoir se mettre d’accord 🙂