Si ça tient, tu m’épouses.
Albin de la Simone; Mes épaules
Mettons les menaces à exécution.
Entendons nous bien : on a évidemment droit à l’erreur.
Mais se planter précisément au moment où on veut argumenter d’autorité, ça la fout mal. Et ne pas le reconnaître ensuite n’ajoute que la mauvaise foi à l’incompétence. Ainsi, le 3 février, à l’Assemblée nationale, en deuxième séance des débats à propos de l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, le député UMP Nicolas Dhuicq voulut parler depuis la hauteur de vue que lui confère son métier de médecin psychiatre. Tenter le coup sur ce terrain alors que ça fait maintenant quelques décennies qu’on a sorti l’homosexualité du classement des maladies mentales, ça peut être osé. Mais la droite populaire a trouvé un subterfuge pour revenir sur ce territoire qu’elle affectionne (le désordre mental) en imaginant que ce ne soient plus les homosexuels qui soient dérangés du ciboulot, mais ceux qu’on pourrait leur confier en général, et les enfants en particulier.
Certains, dans les rangs de l’opposition, se sont dès lors improvisés spécialistes de l’esprit humain. Bernard Accoyer en particulier a réussi à laisser planer le risque de désordres bien plus graves encore que les dangers psychologiques que les homosexuels feraient peser sur les enfants. Quels dangers ? On ne saura pas. Et c’est mieux encore, parce que dès lors on peut tout imaginer. Et on espère sans doute, à droite, que le français populaire qui entend cela aura le fantasme fertile. Admirons la rigueur scientifique des propos tenus par Accoyer :
« On ne sait même pas si, au bout d’une, deux ou trois générations, n’apparaîtront pas des troubles psychologiques, voire, selon certains, des troubles plus sérieux. »
« On ne sait pas » si dans un temps qu’on ne connait pas [Note du moine copiste : deux, trois ?], n’apparaitront pas [NdMC : tiens une double négation, donc une affirmation; la phrase doit donc être lue ainsi : « On sait que dans deux ou trois générations apparaîtront des troubles psychologiques », sauf que justement, rien ne permet de le dire; tout ce qu’on peut dire avec certitude, c’est que c’est une inquiétude assez opportune chez la droite populaire], ou même peut être « selon certains » [NdMC : certains ? Certains quoi ? Certains voyants ? Certaines personnes homophobes dotées du sens de l’à propos ?] « des troubles plus sérieux » [NdMC : tremblons tous en coeur, parce que des troubles plus sérieux que des troubles psychologiques, en dehors du fait d’être victimes de mauvais traitements spécifiquement pratiqués par des parents homosexuels (ce qui nous rassure, en un sens, puisque des Emile Louis et des Marc Dutroux nous rappellent que c’est une pratique que les hétérosexuels ont parfaitement intégrée (le grand public pourrait il d’ailleurs citer de mémoire un seul nom de pédophile homosexuel ?)), on ne voit guère que des malformations biologiques majeures, dont on est curieux de savoir comment M. Accoyer expliquerait l’apparition].
On se dit que j’ai dû tronquer l’intervention de cet honorable député. Et effectivement, dans la partie de son intervention qui précède cette affirmation, il cite ses sources :
« j’ai reçu de plusieurs internautes toute une série de références qui m’ont permis de consulter des études qui ont effectivement été menées aux États-Unis, sur des enfants qui avaient été éduqués par des couples de même sexe. Je ne vais pas vous dire les conclusions qu’elles comportaient, parce qu’elles ne sont pas scientifiquement validées. »
Je suis sûr que vous ne me croyez pas. La source est pourtant là : http://www.nosdeputes.fr/14/seance/853#inter_d1b3168f507c5f6489b58491e315d7d5. Le jugement de M. Accoyer se fonde sur des études que des internautes lui ont conseillé, dont on ne dira pas les conclusions puisqu’elles ne sont pas scientifiquement validées. Par contre, on se permettra de faire flipper tout le monde avec des conclusions alarmistes qu’elles n’ont à aucun moment elles mêmes évoquées. Voila une utilisation de la science qui respire la méthode et l’objectivité. On se rassurera en se disant que « dans la vie », cet homme est médecin, spécialiste en ORL. Dites « 33 »…
Plus intéressante est cependant l’intervention de Nicolas Dhuicq lors de la même séance de débat sur les amendements proposés par l’opposition ce 3 février 2013. Parce que Nicolas Dhuicq est psychiatre, et qu’il la ramène beaucoup. Cette expertise lui permet d’affirmer des choses parfois surprenantes, puisque quelques mois plus tôt, dans la même assemblée nationale, il avait tissé d’étranges liens entre terrorisme et homoparentalité, affirmant que des enfants en déficit de père auraient une certaine tendance à devenir de violents terroristes. Le speech vaut le détour, parce qu’il s’introduit sur l’évocation de la nature même du terrorisme, « la lutte du faible au fort, de l’injustifiable au justifié au nom d’un bien suprême, immatériel et souvent fantasmé ». Ah, déjà, on ne comprend pas très très bien : « »la lutte du faible au fort, de l’injustifiable au justifié »… comment cette pensée est elle structurée ?… faible se rapporte à injustifiable et fort est associé à justifié. En somme, le terrorisme, c’est lorsque le faible se soulève contre le puissant. Ok. Quant à cette histoire de « bien suprême immatériel et fantasmé », le concept fait sourire pour quelqu’un qui a partagé les bancs d’une opposition qui ne cessa de se référer à la « Nature » pour argumenter son refus de l’égalité.
Mais c’est la suite qui semble plus intéressante, parce qu’elle témoigne à son tour d’une méthodologie toute scientifique :
« souvent, le terroriste présente ce défaut qu’il n’a jamais rencontré l’autorité paternelle : il n’a jamais eu à se confronter avec des limites et avec un cadre parental, il n’a jamais eu la possibilité de savoir ce qui est faisable ou non faisable, ce qui est bien ou mal. [Note du moine copiste : nous adressons un salut amical à toutes les femmes qui pour des raisons diverses élèvent seules leurs enfants, elles savent désormais qu’elles connaîtront à l’avenir la joie des visites au parloir] N’y a-t-il pas une certaine contradiction dans vos propos et ceux de votre gouvernement, alors que vous cherchez désespérément à reposer un cadre, à rétablir un sens, une symbolique, à soutenir, dans le même temps, un projet qui va jusqu’à rayer le mot de père du code civil ? [NdMC : ce bouleversement des appellations constituera un axe majeur de l’argumentation UMPiesque, quand bien même en réalité, le projet de loi ne prévoit de supprimer ni le nom de « père », ni celui de « mère », mais passons]. Poussez vos cris d’orfraie, mais cela est tout à fait cohérent, mes chers amis : vous provoquerez dans les années à venir la confusion des genres, le déni de la différence des sexes et la psychose ! »
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=T5RU49w2UjM[/youtube]
La grossièreté du procédé ne devrait pas prêter à sourire : parcourez les commentaires abondant sur le net autour de cette déclaration, on y constate que l’argument d’autorité fonctionne à plein régime, que les gens savent que Dhuicq est psychiatre, et que leur première réaction consiste à penser qu’il doit bien savoir de quoi il parle. Evidemment…
Revenons maintenant au 3 Février, parce que, tout de même, Nicolas Dhuicq a dû se sentir obligé de frapper un plus grand coup sur la table de l’argumentation, en marquant davantage les esprits. Là encore, la rigueur scientifique fut au rendez vous.
Etape 1 : légitimer son propos par le fait que son tout premier patient fut un malade du Sida dont il fut le seul à tenir la main lors de ses derniers instants. On n’y croirait pas si on ne le lisait pas. Or, assez content, ou fier, de son témoignage, M. Dhuicq le produira deux fois dans la même séance : « Pendant que je vous parle, je me souviens de mon premier patient, mon premier patient mort du sida, que j’étais le seul à toucher, le seul à respecter… », puis « Je terminerai en évoquant l’un de mes patients, auquel je pense beaucoup depuis qu’il est mort du sida, il y a quelques semaines. Sa famille m’a remercié sincèrement d’avoir été le seul à le saluer, à le toucher, à l’embrasser avant qu’il ne parte. Comme vous le voyez, je n’ai de leçons à recevoir de personne. »
Entre temps, il avait de nouveau soutenu les propos tenus en Novembre :
« Monsieur le président, il y a quelques semaines, je me suis interrogé sur le rapport à l’autorité que pose le terrorisme, en ayant en mémoire le parcours de terroristes d’origine française et de nationalité française. J’avais, en particulier, constaté la distance affective et géographique majeure qui avait séparé un jeune, qui avait tué, et son père. À mon sens, il y a trois endroits où l’autorité doit s’exercer et être respectée : la prison, sujet que je connais bien, sur lequel le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, m’a répondu ; la famille, sur laquelle je vais revenir ; enfin, l’école – je pense notamment à l’enseignement de l’histoire.
Pour ce qui est de la famille, quand j’ai évoqué l’absence de cadre parental, de repères identificatoires, de limites transmises à l’enfant afin qu’il sache ce qui est bien, ce qui est mal, ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, certains de nos collègues de la majorité se sont un peu énervés, n’entendant sans doute pas ce que je voulais leur faire comprendre. Mon propos visait à les avertir du fait qu’ils allaient créer de la confusion : quand le ministre de l’intérieur fait son travail en demandant une loi coercitive – par essence, le terrorisme pousse la démocratie à prendre des lois antidémocratiques –, il y a forcément une contradiction, sur le plan intellectuel, avec un projet de loi visant à supprimer les mots de « père » et « mère » de certains textes. Sachant le rôle symbolique que peuvent jouer les parents, en particulier le père, il y avait de quoi s’interroger sur la cohérence globale du projet politique de la majorité. Ce que je disais n’avait donc rien à voir avec le rejet de qui que ce soit, et ne constituait absolument pas un jugement. »
On ne commentera pas la totalité du propos, mais on notera tout de même l’insistance sur le rôle symbolique du père. C’est une constante dans la rhétorique dhuicquienne. Cela pose cependant un problème auquel il ne répond pas : en quoi dès lors l’adoption par deux pères serait elle problématique ? A strictement parler, ça devrait offrir une garantie supplémentaire contre le terrorisme et pour le respect de l’ordre établi. A défaut, il faudrait supposer que des hommes homosexuels soient moins virils, moins masculins que des hommes hétérosexuels, ce qu’il faudrait dire plus clairement, au lieu de le sous entendre.
Mais tout ceci n’était pas assez convaincant. Pour édifier les consciences, il fallait amener une arme de destruction massive, quelque chose que personne dans l’hémicycle ne pourrait contester. C’est alors que Dhuicq dégaina Lacan. Bon choix : il est probable que peu de monde dans l’hémicycle ait suivi de près les séminaires du maître, ou en ait lu les compte-rendus. Peu de risques dès lors d’être déshabillé par les prétendants au mariage pour tous. M. Dhuicq pouvait parler du haut de l’autorité que lui conférait à cet instant précis son expertise professionnelle. Et tant qu’à disposer d’une arme efficace, autant faire feu deux fois de suite avec la même référence :
« Je voudrais profiter de cette intervention pour revenir sur les amalgames réducteurs odieux que propagent certains de mes collègues, qui passent leur temps à tweeter, au lieu d’écouter et d’essayer de comprendre ce qui se dit sur ces bancs, et par exemple ce que Jacques Lacan appelait les « Noms-du-Père ». »
puis :
« Vous faites preuve d’intolérance vis-à-vis des collègues qui s’expriment à la tribune et qui ont le droit de réfléchir et de s’interroger sur ce qui pousse des enfants de ce pays à le rejeter et à commettre le meurtre et l’assassinat. [NdMC : oui, c’est récurrent; on serait médecin on affirmerait peut être que c’est obsessionnel, mais comme on n’a pas très envie d’être poursuivi pour exercice illégal de la médecine…]
Les « Noms-du-Père » ! Si seulement vous aviez un minimum de connaissance en matière de psychiatrie et de psychologie, vous comprendriez ce à quoi je fais référence. Mais non, vous êtes tellement dans la toute-puissance ! Vous êtes tellement persuadés d’avoir le droit pour vous, à tout moment et en tout lieu de ce pays, que vous devenez totalement intolérants ! »
Alors, en fait, j’ai copié collé ici le compte rendu publié sur le site de l’Assemblée nationale. Mais il se trouve que ça ne correspond pas à ce que M. Dhuicq a dit, puisqu’en réalité, il s’est trompé deux fois de suite en citant Lacan. On pourra le constater en visionnant cette deuxième séance de débats du 3 février 2013, au moment où les députés de l’opposition tentent de défendre les amendements 1907 à 5126, l’enregistrement vidéo de la séance est disponible à cette adresse : http://www.assemblee-nationale.tv/chaines.html?media=3885&synchro=0&dossier=10. Dhuicq n’y parle pas « des noms du père », mais « du nom des pères ». Evidemment, il y a toujours quelque chose d’assez comique à voir quelqu’un mépriser son public en le considérant comme incapable de prendre part au débat, au prétexte qu’il ne connaîtrait pas un concept présenté comme « ce concept qu’il est la moindre des choses de connaître pour oser prendre la parole sur ce sujet au sein de l’Assemblée nationale », juste avant qu’il se prenne à son tour les pieds dans le tapis de cette même référence qu’on ne peut pas ne pas maîtriser. Les enfants que nous sommes s’amusent toujours autant de découvrir que le roi est nu (mais comme ce roi semble se prendre lui même pour l’incarnation de ce Père tant recherché, le voir ainsi nu nous plonge pour ainsi dire en pleine situation incestueuse).
Le problème, c’est que ce n’est pas simplement une langue qui fourche sur une citation. D’abord parce que Dhuicq nous pond deux fois de suite la même coquille. Ensuite parce que ce n’est pas une citation, mais un concept, et que si on a compris le concept, on ne se trompe pas sur sa formulation, et ce d’autant plus que chez Lacan, les mots ont un sens (chez quel penseur n’en auraient-ils pas ?), et les jeux à leur sujet en ont tout autant. Lacan lui même, dans un de ses derniers séminaires, intitulé « les non dupes errent » (tiens tiens…) rappelle l’importance des énoncés (il faut dire que toute l’introduction de ce séminaire joue autour de ce jeu de langage dont il est assez content, « c’est un air à ma façon », dit-il, et on l’imagine ravi) :
« ce n’est pas le même sens, seulement pour des raisons d’orthographe. Ce qui nous laisse soupçonner quelque chose. Quelque chose dont vous pouvez voir, en fait, l’indication dans ce que j’ai, dans quelques-uns de mes séminaires précédents, marqué des rapports de l’écrit au langage. »
Un lecteur avisé de Lacan, suffisamment avisé en tout cas pour faire la leçon aux autres à son sujet ne peut pas ne pas le savoir.
A ma connaissance, le premier séminaire au cours duquel l’expression « nom-du-père » est prononcée, ce sont les cours sur le complexe d’Oedipe en général et la forclusion du nom du père en particulier. On y trouve ce passage :
« Il n’est pas pareil de dire qu’une personne doit être là pour soutenir l’authenticité de la parole, et de dire qu’il y a quelque chose qui autorise le texte de la loi. En effet, ce qui autorise le texte de la loi se suffit d’être lui-même au niveau du signifiant. C’est ce que j’appelle le Nom-du-Père, c’est-à-dire le père symbolique. C’est un terme qui subsiste au niveau du signifiant, qui dans l’Autre, en tant qu’il est le siège de la loi, représente l’Autre. C’est le signifiant qui donne support à la loi, qui promulgue la loi. C’est l’Autre dans l’Autre. » (on trouve ça dans le séminaire consacré à la formation de l’inconscient, dans les années 57-58)
Autant dire que ça ne se réduit absolument pas à savoir si il y a un père présent, auprès de l’enfant, ou pas, mais plutôt à déterminer si la loi tient à quelque chose dans le monde de l’enfant, ce qui est une toute autre question. Et que des hommes politiques puissent oser affirmer qu’en l’absence de père dans le cercle familial, c’est la loi qui disparaît, voila qui sonne comme un aveu de faiblesse, et un manque d’autorité. Accessoirement, aussi, si on veut bien se souvenir un peu de Kant, pour qui finalement, ce Grand Autre qui réside en chacun de nous (et qu’on peut donc tout à fait considérer, en soi comme l’autre en soi-même, et chez autrui, comme l’autre dans l’autre) s’appelle la Raison, ce dont on pourrait conclure que la psychanalyse est un truc pour les gens qui ne souhaitent pas être raisonnables.
Ca vaut le coup de lire ces séminaires. On y cerne bien comment Lacan lui même désigne les débats oiseux sur la présence ou l’absence du père dans le cercle familial comme un petit manège dont on a vite fait le tour. On y devine dès lors à quel point le Dr Dhuicq, dans son intervention, simplifie à dessein le propos de celui qu’il semble prendre pour maître, n’hésitant pas à le simplifier pour le mettre au service de ce qui n’est, en lui, qu’une simple opinion. Accessoirement, on devine que la réécriture dhuicquienne du concept lacanien sert ses intérêts : parler « du nom des pères », c’est installer l’idée que chaque père est Père, et qu’il n’y a qu’un seul modèle (un seul nom) de cette fonction. Alors que le propos de Lacan est exactement le contraire de celui ci. Les-noms-du-père, cela indique suffisamment clairement à quel point la paternité, qui est ici la référence à la loi, ou la manifestation du fait qu’il y a bel et bien une loi (ce avec quoi on peut tout à fait ne pas être d’accord, d’ailleurs) peut prendre des formes multiples, avoir de multiples noms sans pour autant changer de nature, sans être, donc, dénaturée (alors même que le camp de l’opposition n’a cessé de hurler de panique devant le fait qu’on allait dénaturer les liens de filiation, comme si ceux-ci relevaient de la nature (on y reviendra).
Bref, il y a au moins une bonne nouvelle dans cette histoire : les rédacteurs des compte-rendus des séances de l’Assemblée nationale connaissant mieux Lacan que Dhuicq lui même. En même temps, en tant que psychiatre, il n’est pas vraiment censé le connaître (du psychiatre au psychanalyste, il y a à peu près la même distance qu’entre le cheminot qui bosse sur une locomotive à vapeur filant dans le brouillard et le peintre futuriste qui peint le rugissement de la machine sur sa toile). Je me suis un peu renseigné sur la manière dont les compte rendus étaient rédigés. Le service du compte rendu de la séance bosse à plein temps sur ces documents. Leur méthodologie autorise qu’un certain nombre de propos soient réécrits pour être compréhensibles une fois passés à l’écrit ( http://www.assemblee-nationale.fr/14/debats/index.asp ) Cependant, on peut se demander si réécrire un propos erroné pour en faire un propos un peu plus informé fait partie des méthodes légitimes : après tout, pour celui qui lit après coup les déclarations de Nicolas Dhuicq, il n’est pas tout à fait inutile, ni inintéressant de remarquer qu’au moment même où il parle en tant qu’expert, il se plante dans ses références, signalant quelques trous dans la raquette de ses connaissances. Et étant donné le peu de familiarité que doivent avoir les rédacteurs des compte rendus avec Lacan, on devine que la correction des erreurs ne vient pas d’eux mêmes.
Mais là dessus, on sera d’accord avec Dhuicq : il n’y a pas de vie apaisée possible là où on a le sentiment que la loi pourrait être mal écrite, mal édifiée, ou portée par des individus qui n’ont pas les épaules assez solides pour en être les garants incontestables. Et l’inquiétude deviendrait majeure, susceptible de générer des angoisses si ces mêmes épaules trop fragiles se piquaient de supporter, telles un Atlas un peu mou du genou, la civilisation tout entière, dont elles prétendraient maîtriser rien moins que les fondations.
Et puisqu’on parle du rapport entre la paternité et les épaules qu’il s’agirait d’avoir pour pouvoir mériter le nom de père, on conseillera d’écouter Albin de la Simone. Ca pourrait d’autant plus intéresser le député Dhuicq qu’on le sait aussi versé sur les questions de défense (dont il caresse aussi l’espoir qu’elle puisse avoir de belles épaules bien carrées), et que le deuxième titre du dernier album du même chanteur, intitulé Mort en plein air, a peut être aussi quelque chose à lui répondre.
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=VdaAEbP4NDA[/youtube]
Illustrations, dans l’ordre :
Bernard Accoyer lisant le livre d’Henri Guaino, intitulé Mariage, Monsieur le Président, donnez la parole aux français ! (on a le sens du titre ou on ne l’a pas)
Nicolas Dhuicq, posant en friday wear (enfin, là, on est un peu au delà du concept de friday wear en fait, mais on croit avoir noté que M. Dhuicq soigne son look, alternant allure impeccable et pannes de rasoir. On ne niera pas que ces stratégies de communication puissent avoir une certaine efficacité. Mais on y résiste).
Une schématisation des différents ordres du discours chez Lacan, que je n’expliquerai pas, parce que j’ai encore quelques difficultés avec les graphes lacaniens.
Et Lacan himself, en père Fouettard du discours.
Vu les troubles du comportement (liés en particulier à un mépris total pour l’ensemble du genre humain y compris celles et ceux qui appartiennent à la même formation politique, voir quelques règlements de compte suite à une élection qu’on n’aurait pas dû permettre à des personnes aussi étrangères à la démocratie) dont souffrent un certain nombre de pointures de l’UMP (on n’aura pas la cruauté de préciser lesquel-le-s ou plus exactement, on emploiera les mêmes techniques qu’eux/elles, en laissant imaginer au lecteur à quel point ces troubles peuvent être largement répandus au-delà des habituels Copé, Morano, Wauquiez, Estrosi et autres dignes suiveurs de l’ex-psychopathe en chef, oui, oui, celui qui dit aller chercher régulièrement sa fille de 17 mois à l’école, ladite fille ayant sauté allègrement plusieurs sections de la crèche semble-t-il… euh, un tel signe de précocité, ça ne serait pas lié à un trouble du comportement, lié aux trois mariages de son père ?), on risquera l’hypothèse que les maux si bien décrits par Pine Dhuicq (je suis désolé, ma culture télévisuelle n’a pas évolué depuis les débuts de Canal) ne sont pas l’apanage des familles à traçabilité difficile (cf les propos « non autorisés » du nabot), mais beaucoup plus répandues.
Un peu dure la phrase. J’en conviens, mais c’est un retour de frustration dû à la paresse de citer Proust dans le texte lors de ma dernière intervention ici. Et encore moi j’ai mis des parenthèses, où il aurait à peine condescendu à la virgule.
Le « pine d’Huicq » m’a traversé la tête (si je puis dire), et j’avoue n’avoir pas osé en faire un titre. Mais je laisse volontiers d’autre que moi avoir l’audace que je n’ai pas eue !
D’évidence, nous coexistons avec ces humanistes qui n’ont que les « devoirs » des autres à la bouche, et oublient que, précisément, cet humanisme dont ils se réclament réclamait qu’ils cultivent l’humanité en eux avant de prétendre être hommes.
S’entendre donner des leçons de protection de l’enfance par ceux qui, par le démantèlement de l’école et l’encouragement des « multimédias », auront fait des enfants ce qu’ils sont devenus (c’est à dire ces créatures avec lesquelles on ne peut guère envisager de se déplacer en transports en commun si elles sont dans les parages, ces élèves qui semblent tout surpris, voire scandalisés qu’on ose les remettre à leur place, et accessoirement des analphabètes, (mais ce sont des consommateurs, sur ce point, la réussite est totale, et ils ont une assez haute estimation de ce à quoi ils doivent accéder, on pourrait leur accorder une mention élevée dans cette matière, si c’en était une)), voila qui, à force, met sur les nerfs et pourrait pousser à croire en un au-delà dans lequel justice serait enfin rendue.
Le sujet m’a de toute évidence troublé. Au point de me faire accorder au féminin « répandues » alors que ce sont les « maux » qui le sont. On conserve quand même une certaine fierté (corollaire de la honte éprouvée à la lecture de cette faute d’accord) et on ne voudrait pour rien au monde risquer de se voir associé aux analphabètes.