J’aurais du laisser les clés au plus proche voisin, puisqu’il effectuait amicalement des rondes autour de la propriété, par ailleurs dépourvue de clôture, un peu comme on fait pour les personnes agées en période de canicule. Mais l’occupant était juste ailleurs, de la tête aux pieds, puis de nouveau là, mais accaparé par les heures supplémentaires qu’il accepte sous les huées d’une partie de la salle des profs (cette partie qui est composée d’agrégés qui gagnent toujours plus que lui, mais avec la bonne conscience de ne travailler que très peu, et de collègues qui, en région parisienne, sont censés avoir acheter leur logement à la seule force de leur salaire (mais qui, curieusement, bottent en touche dès qu’il s’agit de parler politiquement un peu sérieusement de la notion d’héritage, bref, des gens de gauche comme il s’en fait quelques uns)).
Accaparé aussi par des propositions de privatisation de son discours.
J’ai longtemps suivi une règle simple : comme je suis payé par l’Etat pour répandre la connaissance (enfin, celle dont je dispose) sur le monde (enfin, la portion que j’atteins (mais internet, sur ce plan là, donne le bras long)), il me semblait que je me devais de ne pas vendre ce que je suis payé pour distribuer gratuitement. Et je pense que mes biographes sauront montrer à quel point j’ai été d’une immense intransigeance avec ce principe, tant que de toute façon on ne me lançait aucune proposition de lancement sur le marché de quoi que ce soit dont je sois l’auteur. Mais évidemment, la production, même intermittente, d’articles sur le net, sur plusieurs années, fait qu’un jour, on reçoit ce genre de propositions. D’articles tout d’abord, puis d’ouvrages para-scolaires. L’étau se resserre alors, dont l’une des griffes est le temps qu’on consacre à ce genre de choses
(parce qu’on ne peut pas y multiplier excessivement les parenthèses, qu’on doit user d’un certain ton, qu’on doit prendre en compte, pour de bon, le lecteur…), temps dont on dispose un peu moins pour écrire par ailleurs, et dont l’autre griffe consiste en une question lancinante : vais-je livrer gratuitement sur le net ce que j’ai par ailleurs vendu (et pas mal vendu, soyons honnête (même si en l’occurrence, on se demande si ce genre de prix est honnête)) à des intérêts privés ? Et si j’ai de bonnes idées d’articles, vais les réserver au secteur marchand de mon activité, afin de faire encore grimper les prix ? Ca peut suffire à faire tarir la source du texte libre en moi. Ca peut suffire aussi à atteindre la liberté en elle-même, parce qu’écrire en ayant en tête le commentateur fidèle de ce blog, ça n’a pas grand chose à voir avec la rédaction revue et corrigée par un rédacteur en chef, même quand il vous embauche pour votre liberté de ton (qui est évidemment beaucoup moins « libre » quand elle devient nécessaire).
Bref, j’ai accepté une fois, laissant tomber une bonne part de mes principes contre l’espoir d’entrer dans le cercle envié de ceux qui sont clients des produits conçus par les têtes ingénieuses des alentours de Cupertino (je sais, on a ses moments de lâcheté, mais avec le recul, on se dit qu’ils furent des temps où une vie aurait été ratée si on n’avait pas possédé une malle, ou une armoire, ou telle épée, ou bien un livre sortant d’une imprimerie. Nos successeurs nous visualiseront avec un i-quelquechose en mains, et j’ai envie qu’ils pensent, aussi, un peu, à moi !). Mais j’ai aussi mis un terme à certaines propositions, qui laissaient peu de latitude aux facéties et auraient empiété sur ce territoire libre d’accès, dont il faut aussi que je protège l’écosystème, si je veux que la faune qui y vagabonde n’assiste pas à une désolante désertification. Si la question économique sera réglée par une accalmie de la soif consumériste (et pourtant j’en connais, des paires d’adidas et de G-Shock qui manquent à la collection…), il faudra encore que je traite l’autre frustration : celle d’un orgueil qui a aussi une petite envie de voir un livre qui porte son nom sur sa couverture. Parce que les blogs ne tiennent que le temps qu’on paie leur hébergement, parce que les mémoires numériques sont encombrées et volatiles, qu’on n’a pas vraiment de descendance pour prendre soin de ça, et qu’on aimerait laisser quelque chose (et qu’on n’a pas le temps de graver ses articles dans la pierre, afin d’en faire des monuments posés ça et là, livrés à la curiosité de lecteurs futurs).
Ayant libéré du temps, on peut d’emblée annoncer qu’on va prochainement faire un petit retour sur les dossiers non traités pendant l’été (quoiqu’ils sommeillent gentiment dans mon disque dur sous forme de brouillon, qui encombrent d’ailleurs assez amplement le bureau (comment des articles ayant fait l’objet d’un brouillon peuvent ils avoir l’air finalement aussi brouillons dans leur forme publiée ?? Voila une question à laquelle je me garderais bien de répondre, parce que la réponse serait la recette de ces articles, que je préfère moi même ne pas connaître)) . Parmi ceux ci : le marronnier Madonna. Mais aussi Batman, les jeux olympiques, les jeux olympiques dans leur version amputée de leurs performances, du cinéma, des rapports d’inspection à propos d’enseignants en tous genres, du cinéma, des lectures. Bref, retour à la vraie vie !
En attendant, puisque l’automne a mis sa coiffe de plumes pour se déguiser en été, si on me cherche, on me trouvera dans l’eau. Surfant sur les échos d’un Rodolphe Burger tellurique entendu il y a trois jours à la fête de l’Huma, je nage:
[youtube width= »800″ height= »400″]http://www.youtube.com/watch?v=wt2JIHRl7nI[/youtube]
Spéciale dédicace au Constant Gardener : Bien entendu, on remercie le maître nageur de cette piscine municipale d’avoir plongé sa perche dans l’eau afin de vérifier que l’apnéiste n’avait pas purement et simplement coulé. On est aussi reconnaissant pour les tentatives de réanimation. On le rassure, ces voeux de silence sont toujours provisoires. On se méfierait plutôt des crises de bavardage.
Quel cinéma pour reprendre son petit cartable et ses cours ! Est ce que je mets trois jours, moi, pour remonter de Calabre vers la France !!!???
Euh… Oui…
J’admets avoir été frappé, en cette rentrée, d’une certaine lenteur. J’avoue avoir aussi fait le plein d’heures sup’, tout en demeurant adepte d’une certaine procrastination.
Bref, pas d’quoi être fier.
Au moins, prendre trois jours pour remonter de Calabre, c’est voyager, et donc surfer sur le tissu du monde.
Ca m’énerve cette vindicte anti agrégés. J’écrirais volontiers quelque chose là-dessus, mais j’hésite… Bon, je devrais avoir un peu de temps à l’hôtel demain soir. On verra.
Héhé, je n’ai pas de haine contre les agrégés. D’abord, je ne peux pas me permettre, puisque je ne le suis pas.
Je dis juste que, quand le temps dégagé permet de faire de la recherche, des publications, de faire avancer la science, c’est parfait. Mais franchement, pour ce qui concerne les enseignants du secondaire, quelle légitimité à être payé davantage pour un travail moindre ?
Reconnaissons que quelques uns se verraient bien devenir contremaîtres de leurs collègues (que les plus riches commandent les autres, c’est dans l’ordre des choses ! :)).
La seule chose qui me hérisse un peu, ce sont les leçons de morale qu’on reçoit quand on a quelques heures sup’, surtout quand elles sont moins dues à la recherche de fric qu’à l’enthousiasme ressenti pour des projets, ou à une certaine capacité à dormir moins que la moyenne.
M’en fous, tu es allé trop loin, tu ne couperas pas au sermon !
J’ai hâte !
J’adore les idéologies de classe 😀