Nous voici donc parvenus au point où notre vie commune, c’est à dire la politique, se voit réduite en gros à quelque chose qui ressemblerait à un épisode parmi d’autres d’une série qui serait à mi-chemin de 24h Chrono et des Experts N.Y. Au delà du fait que la réalité, depuis ce matin, se voit propulsée bien plus loin que ce que pourrait se permettre une fiction, ce qui marque encore une fois, c’est la manière dont nous donnerions cher pour échanger un débat démocratique, autour de véritables alternatives politiques, contre un épisode supplémentaire d’excitation face au barnum mediatique qui transforme de plus en plus le monde, la réalité, en plus grand chapiteau du monde.
On se retrouve dans une situation un peu pénible, où, tout en sachant bien que ce type n’était pas une véritable alternative (il va le devenir pour de bon, maintenant qu’il est hors jeu : ce sera, pendant des années, le plan B, l’univers parallèle à partir duquel on jugera de l’action politique, sur le thème « Ah… si DSK n’avait pas été condamné à 25 ans de prison…), on ne parvient pas tout à fait à se dire « bien bien, un de moins, au suivant ». Maintenant qu’il est mort (tout le monde semble en parler à l’imparfait, en balayant les chaines info, on voit des quasi nécrologies, sans doute déjà montées, au cas où, diffusées presque telles qu’elles « il parlait couramment allemand et espagnol », « il aimait les femmes » (en effet…), « il était l’espoir de la gauche » (dans une vision unilatéralisée du monde, oui, peut être)), il semble avoir été, de son vivant, pétri des qualités qu’on aura eu un peu plus de mal à discerner quand on pouvait observer, au présent, son action. On ira demander, par exemple, au peuple grec s’il considère, pour sa part, que la mésaventure du jour le prive d’un avenir socialiste. Mais bien qu’on ne soit pas dupe de ce que, sur l’essentiel, une opposition Strauss-Kahn/Sarkozy n’aurait eu d’opposition que le nom, les fondamentaux économiques demeurant semblables, la classe à laquelle les deux hommes appartiennent étant exactement la même, la sortie de route du potentiel candidat PS révèle cependant que la politique ne peut pas se réduire à la seule question des options économiques : on ne nous prive pas seulement d’un faux débat économique, on empêche en fait de choisir entre un capitalisme qui s’accompagne d’un total mépris pour ceux qui n’en sont pas les principaux bénéficiaires, et un autre qui, tout en profitant des avantages matériels que permet le capitalisme à ceux qui y occupent une bonne place, se soucie néanmoins de ne pas humilier frontalement ceux qui pâtissent de ce genre de système économique. Accessoirement, on prive aussi les citoyens de choisir entre une politique française qui s’articule de plus en plus autour de ce qui prend, de plus en plus, la forme d’un pur et simple racisme, et une autre politique qui se refuse encore à sacrifier à ce point là les plus fragiles d’entre nous.
Alors, évidemment, le choix existe toujours. Il y aura un candidat PS, il y a d’autres candidats à gauche, avec des propositions se démarquant bien plus nettement, économiquement. Mais ce qui disparait, c’est la perspective d’un candidat susceptible de gagner. Parce que si on voit émerger la thèse d’un complot contre DSK, il y en a un autre qui semble prendre Hollande pour cible, les sondeurs semblant être payé par ‘ »quelqu’un » pour lui faire croire qu’il peut être, un jour, président de la république française. Ce qui se passe en ce moment ne sert que l’alternative frontiste, qui est de moins en moins une alternative, puisque l’UMP est de plus en plus contrainte de se laisser dicter son programme et son discours par les ondes FN. Le choix existe donc, et les français seraient bien inspirés de s’y intéresser de plus près, mais chacun sait bien que si on veut être réaliste, on doit admettre que la perspective d’une alternance, déjà un peu fantasmée dans le cas d’une victoire DSK (le visage souriant du socialisme sur les gros sabots capitalistes), devient simplement utopique avec sa disparition du jeu politique : encore au moins 5 ans à se donner bonne conscience en défilant contre la disparition de tout ce qui disparaitra quand même, ce qui demeure une manière confortable de cumuler deux bourgeoisies : celle du fric (après tout, les bonnes âmes de gauche qui ont les moyens n’y perdront pas tant que ça), et celle de l’âme (j’aurais bien voulu qu’il en fût autrement, mais un mélange de femme de chambre (qui est à la femme de ménage ce que le technicien de surface est au balayeur, un fantasme embourgeoisé par le langage) et de pulsions lubriques en a décidé autrement)
Autrement dit, et quoiqu’on puisse en penser en temps normal, on s’en serait un peu branlé, que DSK roule en Panamera, j’y reviendrai peut être un jour (la bagnole comme sinthome, c’est un angle qui me plait bien) ou que ses costards coûtent deux ou trois ans de salaire normal (le costard au prix d’une grosse bagnole, la bagnole au prix d’un appartement, les appartements au prix d’on ne saurait trop dire quoi, on est dans les décalages honoraires qui impressionnent suffisamment pour qu’on puisse, comme on le fait dans les medias de droite, douter du socialisme de DSK (on attend avec impatience qu’il en déduisent ce qui suit nécessairement : aucun candidat de droite ne peut servir les intérêts du peuple, surtout depuis qu’on a délocalisé la consommation)), on s’en serait un peu branlé, donc, qu’il roule en Maybach ou en Bugatti si il avait simplement pu nous débarrasser de la clique actuellement au pouvoir, juste pour mettre fin à ce mouvement par lequel on nous conduit peu à peu à se haïr les uns les autres, et à ne plus pouvoir discerner où se situent les véritables nuisances. Sans être dupes, on peut encore préférer la mise en scène d’une cohésion sociale fictive à l’instauration consciencieuse d’une guerre sociale entre citoyens qui, en fait, ont sans le savoir les mêmes intérêts. Le socialisme peut tout à fait jouer, lui aussi, le rôle d’opium du peuple, d’âme d’un monde sans coeur. Dans ses commentaires éclairants (bien que réclamant parfois quelques recherches dans les méandres de la mémoire des groupuscules de gauche avant d’être pleinement saisis), Michel racontait il y a quelques jours sa soirée du 10 Mai 1981, dont le maître de cérémonie semblait être DJ Janus en personne, tant le moment devait être conçu comme à cheval entre deux mondes pour qu’on puisse y adhérer, cesser le feu dont tout le monde avait conscience qu’il était provisoire, que les masques tomberaient un jour ou l’autre et que l’union de la gauche, joyeusement bicéphale ce soir là, perdrait tôt ou tard l’un de ses deux visages et, par la même occasion, la face. Ce soir là, la foi en quelque chose qu’on pourrait considérer comme la fraternité injectait, comme par intraveineuse, l’Esprit à tous ceux qui n’étaient pas en train de remplir le coffre de la 505 avec leurs biens les plus précieux, jouant à se faire peur à l’idée de l’arrivée des chars de l’armée rouge sur les places des villages dès le lendemain. Trêve des électeurs pour une soirée et quelques jours, mine de rien, les années 80 réussirent l’exploit, sur la base de cette fiction d’un soir, de permettre aux plus riches de le devenir encore plus, sans pour autant que la fraternité ressentie soit vraiment mise à mal. Et à défaut d’égalité véritable, on peut admettre que le rôle du politique puisse se réduire au fait de rendre l’inégalité un peu moins insupportable. On voit bien à quel point nos dirigeants actuels ont compris qu’on pouvait fonder son pouvoir sur incitation des classes les plus puissantes à humilier sans cesse ceux qu’ils spolient. C’est là tout le sens de la fameuse décomplexion.
Ce qui en dit long depuis hier, c’est la vitesse à laquelle apparaissent, puis se diffusent, les soupçons de manipulation, voire de complot. Ca dit à quel point on est désormais facilement convaincu que le pouvoir est confisqué au peuple, et que les élections ne doivent en aucun cas offrir de quelconques alternatives aux électeurs. Ce qui est amusant, dans l’histoire, c’est qu’on repère ce principe dans l’interdiction qui est faite à DSK de participer à l’élection présidentielle, alors que le fait qu’il y participe était, bien plus encore, un signe de cette impossibilité de l’alternative, en plaçant l’électeur devant un choix étrange : votre capitalisme, vous le préférez faux cul ? ou décomplexé ? Jusqu’à preuve du contraire, il ne s’agissait pas d’ouvrir de nouvelles perspectives politiques. Impossible de discerner quels effets à long terme aura cette impression de s’être fait voler une fausse alternative. A priori, comme ça, à vue de nez, toutes les conditions sont en place pour que le socialisme puisse encore se fantasmer pendant quelques décennies.
Maintenant, à moins de s’offrir le temps de lire, ou relire, le Bûcher des vanités de Tom Wolfe, auquel fait furieusement penser l’épisode du jour, on peut se faire une idée de la paranoïa ambiante en suivant les micro enquêtes effectuées par ceux qui trouvent quelques étrangetés dans la manière dont certaines informations ont été révélées dans un sens qui défie les lois de la chronologie, par des gens qui étaient déjà aux commandes des révélations sur la Panamera et les costards en peau de zob. On y apprend surtout que, contre toute attente (et contre toute vraisemblance sociologique), les jeunes populaires de l’UMP (saviez vous, au fait, qu’on a été à deux doigts de voir la Suède remporter l’Eurovision avec une chanson intitulée Popular, qui semblait être un hymne écrit en dédicace aux jeunesses actives de l’UMP, chanté par un des leurs, une étrange créature qui ressemblerait un peu à Tom Cruise déguisé en Justin Bieber, dans une chorégraphie édifiante où on casse les murs de verre d’une prison hypothétique (c’est en gros le sentiment que se donne un jeune libéral aujourd’hui, en « osant » être de droite : briser une barrière qui n’existait que dans sa tête)) ont, parmi leurs connaissances, des femmes de chambre.
En même temps, chacun se doute bien que si on veut avoir des indics quelque part, il n’est pas absurde d’en placer un ou deux dans un hôtel dans lequel le gratin de la politique et du mondanisme mondialiste a ses habitudes. Et une femme de chambre, par définition, c’est quelqu’un qui a le double avantage d’avoir accès à l’intimité tout en étant invisible. Enfin bref, bientôt, Jonathan Pinet nous diffusera les dernières infos fournies par la dame pipi du tribunal de Harlem, puis de la lingère de Sing Sing, autant de membres, sans doute, de la bande à Pinet sur sa page Facebook. Ces gens là sont partout, ils ont regardé Fight-Club et ils en ont tiré tout un tas de leçons qu’ils appliquent sur nous. Et Internet est le système de surveillance universel qui instaure la règle selon laquelle c’est le premier qui a twitté qui a raison, fabriquant simultanément ce qui fera office de version officielle, ainsi que le fantasme en négatif qui l’accompagne.
Illustrations extraites des campagnes de promo pour la chaine « Maid Café », d’origine japonaise, mais ouvrant à droite à gauche dans le monde des franchises. C’est un peu comme le Starbuck, mais on note un soin particulier dans le déguisement des serveuses, qui font tout leur possible pour ressembler à des soubrettes de films porno, tout en demeurant suffisamment inaccessibles pour éviter au patron des poursuites pour proxénétisme. On comprend que la clientèle, après avoir pris son café en se voyant refuser la jouissance promise par la mise en scène de la prostitution se lâche un peu sur tout ce qui peut porter un tablier. Cette promesse de jouissance que, simultanément, on interdit, ou qu’on reporte, ça aussi, c’est une belle image du monde tel qu’on nous le propose. Au passage, maid signifie tout aussi bien, et en vrac : femme de chambre, ou pucelle. C’est sans doute l’une des questions que DSK se verra poser, sous les douches, par les autres prisonniers de Sing Sing « Alors, Ophelia, elle était bonne ? » Quoi qu’il en soit de sa culpabilité, la réponse donnée par la langue est affirmative.
Depuis hier, je me disais, il ne va pas oser quand meme nous faire le coup du « Dominique, nique, nique… ». Et d’ailleurs il ne va pas en parler… J’ai de toute evidence encore des illusions. Comme sur le Parti socialiste pour lequel je voterai au second tour, si par extraordinaire Jean-Luc Melenchon n’y figurait pas !
Bon, le vrai probleme du jour est d’essayer de comprendre comment fonctionnent les chemins de fer slovaques. Eh bien je dois a la verite de dire qu’en live dans la principale gare de Slovaquie, c’est impossible, et je crois meme si on parle slovaque, ce qui n’est pas mon cas. Le seul espoir de trouver une solution reside dans le site internet des chemins de fer slovaques, ou mieux, comme d’habitude dans celui de la Deutsche Bahn.
Ensuite si on veut vraiment aller a Banska Stiavnica, il faut se resoudre a partir a 6.37, sinon on ne peut rentrer que le lendemain, sauf a reprendre le train moins de 10 minutes apres etre arrive. Et il y en a qui nous bassinent avec les femmes de chambre. Aucun risque qu’une d’entre elles se hasarde dans ma chambre a une heure aussi matinale (c’est-a-dire assez nettement avant 6.37) et le soir, vu l’heure du retour elles seront surement toutes couchees. Ceci dans l’hypothese bien sur ou j’aurais des velleites harceleuses et en direction de la gente ancillaire bien sur. Et au sexe feminin qui plus est. Non vraiment ce qui manque a Dominique Strauss Kahn, c’est un bon sejour dans les Tatras ou les monts metalliferes : on y redecouvre les joies des voyages lents (Adieu voyages lents, bruits lointains qu’on entend, etc.) et sans risque de jet lag, on est bien protege de toutes ces tentations pernicieuses !
Ah un tuyau : si vous etes confronte a un clavier d’ordinateur slovaque (ou peut-etre autre) et que vous ne trouvez pas la touche @, conservez l’appui sur la touche Alt et faites 64 sur le pave numerique. Ca fonctionne. Les accents j’y ai renonce !
Je ne suis pas absolument certain que le procureur new-yorkais accepte d’envoyer l’accusé du siècle en cure d’air pur sur les voies des chemins de fer slovaques.
J’espère qu’entre temps tu as pu trouver un moyen de comprendre les indications locales. Je vois que tu te connectes toujours depuis ces contrées éloignées, il n’est pas impossible que tu y tournes toujours un peu en rond, de gare en gare, et on sait ce qu’il advient ces temps ci des touristes français qui « s’égarent » en contrées inhospitalières. Mais comme je doute que tu puisses bénéficier de toute l’attention des medias, et que des journaleux suivent ton cas telephone en main pour twitter tes faits et gestes. Autant dire que ce voyage à l’Est, une fois encore, semble bien suspect; il y a aurait du complot dans l’air que ça n’étonnerait personne. Zizek serait derrière tout ça que ça ne m’étonnerait pas.
Il ne faut jamais dire a un slovaque qu’il est en Europe de l’Est. Il est en Europe centrale. L’Europe de l’est ca commence a la frontiere ukrainienne. Du cote sud, il aurait bien envie d’y mettre la Hongrie, les magyars etant des vrais emmerdeurs dans toute la region avec leurs communautes installees a l’interieur des frontieres des autres. Et au nord, le slovaque se tate pour savoir quel statut il accordera aux polonais. Grosso modo, tant que ca n’est pas de tradition religieuse orthodoxe, le slovaque a tendance a classer ca au centre.
Quant a Slavoj Zizek, ayant tres mal dormi les trois nuits precedentes, je n’arrive pas a me decider s’il est slovene (ce qui me parait le plus probable) ou croate et je n’ai pas envie de regarder sur le net. S’il est slovene, les choses se compliquent, parce qu’il n’a rien de slave et rien n’explique que je passe ma vie ici. S’il est croate, pffff… ce n’est pas plus simple. Et c’est justement cette absence de simplicite qui me fait passer une bonne partie de ma vie de Prague (le moins souvent possible !) a Belgrade en passant par une bonne quinzaine d’autres villes de la region. Ainsi qu’une autre raison nettement plus personnelle qui me fait passer le Rhin plus souvent qu’a mon tour. Nous sommes ici, en Europe centrale, dans des pays de grande culture, d’intense metissage culturel et j’aime evidemment beaucoup ca.
Mais je reviens regulierement en France ou il ne me viendrait pas a l’idee, c’est vrai, de passer des vacances !
Lorsque j’étais à Prague, il y a quelques jours, ma collègue m’a mentionné que le dictionnaire avait changé d’avis sur le nom à donner à ces pays : on ne dit plus « Europe centrale », mais « Europe médiane ». Il semblerait que le changement de taxinomie ne soit pas forcément très valorisant, puisque ça dit, en gros, que ces pays sont « entre deux » (entre deux quoi ? Je ne saurais dire !). Quant à Zizek, il a pour surnom l’ours slovène, ce qui semble constituer une information suffisante quant à sa provenance (et sa fourure).
Il suffit finalement de la jouer a la jkrsb quand il veut se la peter et de parler de Mitteleuropa. Ca a tout de suite une autre gueule, genre Saint empire romain germanique, Habsbourg, le tout mit Sahne bien sur ! Ca ne veut rien dire de plus, mais ca parle a l’inconscient !