« Chasser les autres du marché, réduire leurs revenus à zéro, bref s’emparer de leurs occasions de gagner, tout le jeu de la concurrence est là. Une fois une certaine richesse acquise, les occasions de gagner de l’argent se multiplient : la richesse accumulée ouvre des possibilités fermées aux non-possédants ».
Lester Thurow – Les fractures du capitalisme, ed. Village mondial, 1997 (1996 pour l’édition américaine, sous le titre « The Future of capitalism« ). p. 270
Et 6 pages plus loin :
« Si l’on ne veut pas que l’Etat intervienne sur le marché en faveur des perdants, il existe une alternative : éliminer les économiquement faibles de la société. Un économiste du XIXè siècle, Herbert Spencer, a forgé à cet effet un concept qu’il a appelé « survie du plus apte » (formule que Darwin lui a empruntée pour démontrer sa théorie de l’évolution). Spencer pensait que le devoir des économiquement forts était de réduire les économiquement faibles à l’extinction. Là réside tout le secret de la force du capitalisme : il élimine les faibles. Spencer a créé un mouvement en faveur de l’eugénisme, dans le but d’empêcher les inadaptés de se reproduire (c’était un moyen plus humain, moins brutal, que de les réduire par la famine, ce que l’économie livrée à elle-même n’aurait pas manqué de faire). Du point de vue de Spencer, toutes les mesures correctrices d’aide sociale ne font que prolonger l’agonie de l’humanité, en multipliant la population finalement destinée à mourir de faim. «
Je serais tenté d’ajouter qu’une alternative consista, pendant quelques décennies, à donner à ces économiquement plus faibles les moyens de participer activement à la consommation, en leur ouvrant le plus largement possible les portes du crédit, au plus grand bénéfice de ceux qui fournissaient les marchandises. Consciemment ou pas, ce sont les Etats qui financèrent ce pouvoir d’achat, sous forme d’aides sociales d’une part, puis en renflouant les banques mises devant un fait accompli que n’importe qui pouvait deviner à l’avance : les plus pauvres n’auraient jamais les moyens de rembourser leurs dettes (et rien ne sera fait pour empêcher leur surendettement, et pour cause : tant que les Etats ont les moyens d’assurer les banques, peu importe que les particuliers remboursent ou pas, c’est l’Etat qui paie, en d’autres termes, c’est l’argent public qui rejoint les fortunes des plus fortunés.
L’étape suivante consistera à observer ce qui reste de ce capitalisme de gauche maintenant que le marché n’a plus besoin que ces économiquement faibles consomment, puisque d’autres, ailleurs, plus avides de produits nouveaux, plus nombreux, et disposant de pouvoirs d’achats obtenus sans passer par l’intermédiaire d’aides sociales, peuvent prendre le relai de cette masse de consommateurs subventionnés. Nul doute que les thèses de Spencer vont apparaître de nouveau comme une possibilité parmi d’autres, devant être pragmatiquement envisagée par ceux qui se présenteront comme politiquement plus responsables que les autres.
Se révèlera alors le caractère mensonger de la formule « Tout le monde veut prendre sa place ». Parce que tout le monde ne peut pas prendre cette place qui n’est la place que d’un seul. Parce que chacun veut la prendre, cette place, oui. Mais un seul peut l’occuper. Et il ne le peut qu’en mettant les autres au service du maintien de sa propre position. « Sous sa forme la plus radicale, le capitalisme est parfaitement compatible avec l’esclavage ». Même source, p. 269. Pas mieux.
Coincé que je suis chez moi (dont environ 20 heures au fond de mon lit) par une fièvre durable et intense (il y a des jours où on regrette finalement d’être un voyageur et non pas un touriste, quant aux conséquences sanitaires) qui m’empêchera de participer à la manifestation de cet après-midi, je profite de la brève période matinale pendant laquelle j’abandonne pour quelques heures les sommets des 40°C pour me contenter d’un 38,5°C nettement plus civilisés pour me livrer à un petit jeu : je crois être dans la bonne rubrique.
Il paraîtra abstrus à la totalité des lecteurs de ce blog… à l’exception d’un seul. Le voilà. Si je dis :
« Vivre l’enfer mourir au combat
faut-il pour lui plaire aller jusque là
Se peut-il que j’y parvienne
Se peut-il qu’on nous pardonne
Se peut-il qu’on nous aime
pour ce que nous sommes »
et
« Quand je doute
Quand je tombe
Et quand la route est trop longue
Quand parfois je ne suis pas
ce que tu attends de moi
Que veux-tu qu’on y fasse
Qu’aurais-tu fais à ma place ? »
Si ce lecteur du blog a de la mémoire, il doit être ne mesure de m’apporter une ou deux réponses autres que :
« Se met-il à ma place quelques fois
quand mes ailes se froissent
et mes îles se noient
Je plie sous le poids
plie sous le poids
de cette moitié de femme
qu’il veut que je sois
Je veux bien faire la belle, mais pas dormir au bois
Je veux bien être reine, mais pas l’ombre du roi
Faut-il que je cède
Faut il que je saigne
pour qu’il m’aime aussi
pour ce que je suis »
et qui n’ont aucun, mais alors aucun rapport avec la chanson !
On ne gagne rien. Sauf si quelqu’un veut prendre ma place, mais franchement elle est peu enviable pour l’instant.
Voila plusieurs jours que j’observe ce commentaire avec un peu de circonspection… Je suis pris entre le fait de considérer que la fièvre fait faire de ces choses et la tendance à vouloir m’éclipser sur la pointe des pieds…
Je suis allé faire passer la fièvre quelques jours à l’hôpital (septicémie ça s’appelle…) et je constate à mon retour que le principal intéressé a, de toute évidence, pris connaissance du message, mais que sa mémoire flanche et qu’il ne se souvient plus très bien (comme il était très musicien, il jouait beaucoup des mains, mais on ne va pas aller plus loin, ce serait mensonger…). Les deux réponses étaient :
– J’étais parti me faire un café,
– La prochaine fois, je me ferai un chocolat.
Quant à ma fièvre ce matin, elle est à 37.