Le moine copiste (n’oublions pas que ses médiévaux ancêtres furent les premiers pirates) ne résiste pas à l’envie de proposer ce portrait de Céline (on a envie de préciser que non, non, il ne s’agit toujours pas de la brailleuse québécoise (injustice totale : cette femme chante bien, mais elle ne fait que ça, et elle fait croire aux masses que c’est suffisant, que tout tient dans la performance, et c’est suffisamment grave pour qu’on puisse lui en vouloir, et la haïr; or la haine rend injuste, mais c’est une injustice justifiée), mais le portrait devrait lever, de lui-même, toute ambiguïté), trouvé à la suite de l’article de Jean-Louis Bory précédemment cité. Ecrit par Michel Cournot, dont j’avais déjà lu quelques critiques, qui me semblaient sauvagement bien construites. Mais là, ça dépasse ce que j’avais déjà lu de lui, et ça donne envie d’en lire davantage. Décidément, on n’écrit plus comme ça aujourd’hui, (sauf dans les interviews de Julien Coupat).
Voici donc ce portrait :
« – Guérisseur français. Céline a inventé Hitler, la prose à décollage vertical, la querelle sino-soviétique et le dialogue à cyclotrons. N’ayant pu empêcher son disciple Henry Miller de piquer la bombe atomique aux allemands qui n’osaient pas s’en servir, Céline se retrouva dans le mauvais gang et fut déporté à Vitebsk par la patriote Ludwig Aragon. Il n’en profita pas pour s’embourgeoiser, comme Giono et Montherlant. Ecrivain plutôt libéral, Céline a surtout écrit l’oeuvre complète de Jean-Paul Sartre, excepté « Les Mots », qui sont un posthume de Flaubert enfant. Ayant découvert que la littérature est, au XXè siècle, une survivance, Céline fit le mort, disparut. Il est aujourd’hui, par pure méchanceté, pilote de chasse dans l’aviation nord-vietnamienne, à bord d’un sabre supersonique offert par son rédempteur, Jean Paulhan ».
(Michel Cournot, cité dans le Nouvel Observateur du 25 Février 1965, p. 28)
Ah, Jean Paulhan, il faudra que j’y revienne, parce qu’il est fort utile pour traiter un des sujets du bac de cette année, qui porte sur la potentielle trahison de la pensée par le langage. Mais c’est une autre histoire…