Puisqu’on est chez les maîtres cartographes, un mot sur l’illustration de l’article précédent :
« No maps for these territories » est le titre d’un documentaire réalisé par Mark Neale, qui est en fait une longue interview de William Gibson, filmé à l’arrière d’une limousine circulant dans le nord de l’Amérique. Gibson accompagné de son dispositif de capture vidéo, le paysage qui défile par la fenêtre, sans repérage possible pour le spectateur, on touche là le « post-géographisme » de Gibson, cette idée que nous en sommes au point où la présence humaine dans ce monde ne peut plus se décrire selon les standards et les outils de la géographie.
Un poëme accompagne le générique de ce film. Il constituera une bande-son-texte parfaite pour l’ambiance de cette reprise d’activités :
It all moves so quickly now
These days it all changes
Nothing stable
Nothin static
Nothing to stand on or cling to
No maps for these territories
Though they are of our own creation
No myth for these countries of the mind
Accelerating constantly
Toward some null point of post-humanity
Accelerating constantly
No maps
No maps for these territories
Je n’ai pas vu « No maps for these territories », mais ça me fait furieusement penser à la fin du plus beau film (à mon goût de Wim Wenders) : « L’état des choses ». La limousine est un camping car, la promenade était la dernière (pour cause de film en noir et blanc) et ce que Wenders veut peut-être signifier c’est, qu’au-delà de la normalité de la production du cinéma, les territoires sont également inconnus.
Et si le poème de Gibson répondait à la complainte sur Hollywood qui clôt le film de Wenders (que je retrouverai peut-être dans ma bibliothèque en léger désordre…)
C’est agaçant, arrivé à un certain âge certain de se dire de plus en plus souvent qu’on a déjà vu ça quelque part et qu’il y a de moins en moins de territoires inconnus, même si on connait toujours aussi mal ses siens propres.
“Hollywood, Hollywood
never been a place people had it so good
like Hollywood, like Hollywood.
What do you do with your life, my friend,
in Hollywood, in Hollywood?”
Ah oui !!
Territoires jamais tout à fait inexplorés : je n’ai pas encore vu l’état des choses, mais j’ai vu, par contre, « route one » de robert kramer, avec qui wenders a travaillé son propre film, et ce sont des images obsédantes, qui se plaquent sur le monde et s’imposent à sa place, à tel point qu’on ne saurait dire ce qu’est le réel (et c’est en partie le propos, je crois).
Du coup, grosse envie de Wenders, là. En plus, on erre tellement depuis quelques temps… autant le faire volontairement.
Good words.
Dans le dernier (pas seulement d’un point de vue chronologique, mais aussi, à en croire son auteur, dans le rôle de l’ultime opus) de Bela Tarr (Le cheval de Turin, sorti cette semaine sur les écrans), l’ouverture se situe dans la ville sus-mentionnée en 1899 : un philosophe enlace en pleurs un cheval d’attelage épuisé et brutalisé par son cocher. J’ai déjà eu l’occasion de faire allusion ici-même à cet épisode. Je continue à espérer que le cheval s’est remis de cette aventure. Ce que l’histoire ne raconte pas (ou ne racontait pas jusqu’alors) alors qu’elle ne nous épargne guère de détails sur la suite de la vie du philosophe.
Comme le film est peu explicite (c’est quand même du Bela Tarr…), je me demande si c’est la vie du cheval qui est racontée dans le film. Tout éclairage serait le bienvenu.