Parmi les choses qui sont dans l’air du temps, le site note2be.com se pose comme un symptome (ou une métastase ?). Principe simple : on propose aux jeunes têtes blondes de noter leur prof. Le site mélange un peu les styles. D’un côté, son créateur affirme vouloir favoriser le dialogue entre profs et élèves. De l’autre, la publicité conseille aux élèves : « prends le pouvoir ».
Le pouvoir, c’était donc de cela qu’il s’agissait, mais peut être pas là où on le croirait.
En effet, renseignements pris, Note2be.com est un site dont le créateur a un certain pedigree.Stéphane Cola (puisque c’est son nom) a travaillé au sein du cabinet de Philippe Séguin quand celui-ci était Président de l’Assemblée nationale, il fut successivement chef de cabinet de Margie Sudre, Secrétaire d’Etat à la Francophonie, directeur de cabinet du Député-Maire d’Epinal, directeur de cabinet du Député-Maire d’Argenteuil, chargé de mission à la Fédération des Maires de Villes Moyennes (FMVM)” et dirige actuellement la campagne de M. Lellouche pour l’élection municipale dans le 8è arrondissement parisien.
Bref, on peut quand même dire que l’auteur de cette généreuse entreprise est un peu « coloré ». On sent « un peu » le mélange des genres et la convergence des intérêts. En tant que membre de l’UMP, Monsieur Cola soutient un gouvernement dont on devinait quelles pouvaient être ses intentions vis à vis de l’éducation nationale. Sur ce plan, on n’est d’ailleurs pas déçus. Les établissements scolaires reçoivent ces jours ci leur dotation horaire pour l’année prochaine et la situation pourrait tout à fait être désignée comme catastrophique. Bon, bien sûr, on va se satisfaire à bon compte en se disant que le profs feront quelques heures supplémentaires, et que les cours seront dès lors assurés. Démagogiquement, c’est effectivement satisfaisant. Certes.
Mais on se demande, dès lors, pourquoi Monsieur Cola a eu l’idée étrange de proposer parmi les critères d’évaluation des enseignants leur disponibilité. Parce que si on donne plus d’heures de cours aux profs, on leur donne aussi davantage de classes, et donc d’élèves. Autant dire que leur disponibilité ne va pas s’améliorer, et qu’ils vont encore se manger des sales notes, sans pouvoir y faire grand chose. Finalement, ce site est simplement le baromètre de l’efficacité gouvernementale : plus les professeurs seront mal notés, et plus l’action gouvernementale pourra être jugée efficace, puisque l’objectif permanent, derrière le masque de la revalorisation des enseignants, semble bel et bien être de montrer leur incapacité généralisée, leur haine des élèves, leur dédain, leur médiocrité générale. Les bonnes moyennes affichées sur le site n’y changent pas grand chose : le projet a avant tout pour mission de faire s’exciter les plus faibles, scolairement et humainement, et d’installer l’idée que l’élève a tous les droits, qu’il peut évaluer ses profs, jeter dans le domaine public des informations personnelles telles que leur nom, l’adresse de leur lieu de travail, la manière dont certains de leurs élèves les considèrent, et le fait qu’ils ne sont pas respectés (ce qui doit, bien sûr signifier pour l’auteur du site qu’ils ne sont pas, non plus, respectables).
On a donc là une des nouvelles manières de faire de la politique. La nouveauté est toute relative, les méthodes de propagandes existent depuis longtemps, et ne font que trouver là une efficacité décuplée. Ce qui est nouveau, en terme d’efficacité, c’est de faire participer les victimes à la destruction de la seule chose qui puisse les sauver. Admirez la technique : 1 vous sapez un service public, faisant en sorte que la situation dans les classes devienne impossible à gérer. Pour cela, vous favorisez systématiquement le passage en classe supérieure, que l’élève y soit prêt ou pas; vous augmentez le nombre d’élèves par classe; vous asphyxiez les profs sous un déluge d’heures supplémentaires (qu’ils vont accepter, parce que vous avez pris soin de fixer leur salaire un peu trop bas, pour qu’ils aient économiquement besoin de ces heures supplémentaires); et vous notez les chefs d’établissement de manière plus valorisante quand ils ont peu de problèmes, ce qui signifie qu’ils organisent peu de conseils de discipline, renvoient peu d’élèves, ce qui désarme totalement les profs, et les rend peu à peu un peu nerveux, comme les élèves finalement. 2 Une fois que vous avez obtenu cette belle tension, que tout le monde est sur les nerfs, que les élèves se sentent en permanente impunité, que les profs se sentent impuissants, hop ! Vous glissez discrètement aux élèves que, hey, dis donc, ça te plairait pas, toi, de noter tes profs ? Après tout, ils te notent bien, eux, non ? Alors vas y « reprends le pouvoir », venge toi; nous on va juste enrober le tout dans un bel emballage sérieux, pour montrer que c’est pas juste de la vengeance. 3 Le tour est joué, et en plus vous avez encore attisé le feu qui couve. Vous avez rendu la situation en classe encore un peu plus pourrie.
Depuis quelques jours, certains de mes collègues vont travailler le matin en sachant qu’ils ont quelque chose comme 2/20 de moyenne sur ce site. Ils entrent dans la salle des profs en sachant que les collègues ont vu cette note. Peu importe que ce soit justifié ou pas, vous aurez toujours une ou deux âmes charitables, sûres d’elles et pas encore évaluées, qui soutiendront que « naturellement, il n’y a pas de fumée sans feu ». Ils vont entrer en classe, en cherchant lesquels parmi leur 150 élèves ont balancé sur le net de telles notes. Ils vont essayer de se souvenir quelles remontrances ils ont effectuées ces dernières semaines, quels élèves peuvent leur en vouloir, et à chaque incivilité, ils vont y réfléchir à deux fois avant de remettre tout ça en ordre, parce que ça pourrait leur coûter encore un peu.
Tout enseignant est déjà, dans son boulot, en permanence sous le regard et sous le jugement d’une audience qui n’est pas particulièrement complaisante. Pour beaucoup, c’est quelque chose qui est très difficile à gérer. En rajouter une couche avec une telle démagogie ne relève pas de l’erreur. C’est, au sens propre, du harcèlement.
Venant de quelqu’un qui est manifestement aussi performant et compétent que monsieur Cola, on peut malheureusement craindre que tous ces effets soient conscients, connus, et donc voulus. On ne saurait mieux lire quelles sont les intentions de notre gouvernement concernant ces professeurs qu’on avait annoncé vouloir revaloriser (mais qui y a vraiment cru ?). Quant aux manières de le faire, on a là une ébauche intéressante.
Bonjour,
Je découvre votre blog en cherchant à situer Stéphane Cola – et je ne suis pas déçue, ni par les éléments biographiques que vous donnez sur lui ni, dans un autre genre, par votre blog lui-même: c’est l’un des plus intelligents qu’il m’ait été donné de lire.
Je crois que je suis amoureuse de vous … intellectuellement, bien sûr 🙂
Merci pour ces compliments !
Et merci de me mettre suffisamment de pression pour que je doive me contraindre un peu à (au moins) maintenir le niveau !
Au plaisir de susciter de nouveau en vous un peu d’intérêt ! (histoire à suivre, donc…)
Permettez moi de vous signaler que les propos dans l’article sont faux… des postes tels que ceux qui sont énumérés résultent de nomations… verifiez vos sources … legifrance.fr
1 – il va falloir m’expliquer en quoi ce que j’ai écrit est faux (en d’autres termes, il serait bon de remplir les points de suspension; je sais que j’en fais moi-même un usage abondant, mais c’est au sein de développements un peu moins sibyllins.
2 – Et si ces postes font l’objet d’une nomation (sic), j’ai envie de vous demander : oui, et alors ?
on accepte pas les critiques….
Hein ?
Quoi ?
Que ?
Une critique, c’est quelque chose d’argumenté, qui fait plus de trois lignes, c’est bien de ça qu’on parle ?