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Il parait que l’industrie de la musique est en crise.
Tant mieux.
Pendant que MCM assomme son public à grands coups de kenza Farah (ça fait un moment que ça me tente de faire un post sur ce personnage, mais les réactions de fantômeduweb sur un post précédent m’ont fait hésiter : le petit produit estampillée wanabee made in banlieue, qui ne lâche pas l’affaire et le fait savoir est en même temps un phénomène de second ordre du point de vue d »e la culture, et néanmoins un symptôme « parlant », mais j’y reviendrai sans doute), l’amateur de musique peut trouver des sources d’où jaillissent des artistes qui n’appartiennent pas aux écuries connues, ne collaborent pas à la Star Ac’, ne vont pas soutenir des sans abris, ne sont pas enfoirés, ni dans un sens, ni dans l’autre, n’envahissent pas nos ondes, ne s’imposent pas dans les rayons des supermarchés. Ils font leur musique, trouvent des canaux de diffusion, participent à de multiples projets, et finalement leur musique a des auditeurs. Peut être pas des stades entiers, mais après tout, pour quelqu’un qui n’est pas trop mégalo, est ce un problème ?
Robin Rimbaud est de ceux-là. Parfaitement intégré à la manière dont la musique électronique contemporaine se crée et se diffuse quand elle est intéressante, il multiplie les pseudonymes. Scanner (ce qui pose un problème, puisque c’est aussi le nom d’un groupe de métalleux qui n’a vraiment, mais vraiment rien à voir avec Robin Rimbaud), Scannerfunk, par exemple. Pas de mise en avant de sa propre personne, mais au contraire une attention vive portée sur les autres, le monde humain.
« Plus jeune, quand j’avais treize ou quatorze ans, je suspendais des micros aux fenêtres de la maison familiale et j’enregistrais ce qu’il y avait dans la rue. J’ai des heures de bandes » Entre temps, Robin Rimbaud a perfectionné son équipement, et il enregistre des conversations téléphoniques grâce au scanner qui deviendra son pseudonyme : « J’appelle ça cartographier la ville. Je ne voudrais pas qu’on croie que je suis assis dans mon petit palais, à m’emparer de toutes les classes de la population, mais cela revient à cartographier les mouvements des gens à différents moments de la journée. » (les propos sont repris du livre Ocean of sound, de David Toop)Ses premiers disques seront d’ailleurs constitués uniquement d’un montage effectué à partir de ces enregistrements. Peu à peu, le matériel va se diversifier, et Robin Rimbaud va devenir un véritable metteur en scène de structures sonores qui constituent toujours une forme de proposition de déplacement, transformant le musicien ainsi que l’auditeur en « flâneur électronique ».
Une des oeuvres marquantes de ce scuplteur sur son est cette messe dont je propose ici quelques extraits. Il s’agit d’une composition destinée à accompagner un spectacle global, chorégraphique, vidéo, produit par l’opéra de Leipzig, autour des notions de force et de pouvoir, d’où le titre de l’oeuvre : Messe – le son du pouvoir; Le pouvoir du son. Musique solennelle don, mêlant diverses techniques de montages sonores, faisant référence à l’histoire de la musique sacrée (Fauré, Duruflé), utilisant des éléments enregistrés, des documents sonores existants, de manière discrètement manipulés, pour préserver le recueillement et la puissance recherchés.
Plusieurs extraits sont ici proposés, mais rien ne remplace l’écoute de l’oeuvre dans sa totalité. On écoutera aussi avec intérêt la performance que donna Robin Rimbaud en Mars 2007, à la salle Olivier Messiaen de la Maison de la Radio, reprenant des extraits de cette messe, en les mixant avec d’autres éléments sonores pour en faire une autre oeuvre.
Lectures associées :
David Toop : Ocean of Sound, ambient music, mondes imaginaires et voix de l’éther. 1996 (2000 pour la version française). Une des deux bibles de la musique électronique (je laisse de côté ici le livre de Laurent Garnier, qui a pourtant son intérêt, j’y reviendrai un jour ou l’autre). David Toop produit lui même de la musique et livre ici une odyssée à travers cet océan de sons. L’image est quasi deleuzienne et invite à se laisser aller à la dérive dans cette musique dans laquelle on se retrouve nomade plutôt que voyageur, sans repères connus, surfant gentillement sur des vagues d’intensités variables, sur des textures sonores souples, sur des ondes d’énergies profitant des effets conjugués de l’ensemble des fréquences produisant des effets sur le corps humain. Le livre vaut pour son érudition, mais aussi pour son style, qui parvient à offrir, souvent un équivalent littéraire à la musique qu’il explore. De Debussy découvrant la musique javanaise jouée à l’exposition universelle de Paris en 1889 aux expérimentations de KLF dans ce qui constitue finalement peut être leur disque majeur (Chillout), David Toop nous ouvre là les portes d’un univers musical dont on aurait tort de le réduire à une production mécanique de sons ayant pour but d’être écoutés par des crétins roulant dans des bagnoles tunées, le volume de la sono à fond. Ici, tout n’est au contraire que luxe, calme et volupté. Et aventure aussi. Mais j’y reviendrai très bientôt, parce que j’ai l’intention de parler ici de John Cage, et de son utilisation des ondes radio dans la musique, de laquelle Robin Rimbaud s’est inspiré pour ses propres créations.
Peter Shapiro & Caipirinha productions : Modulations, une histoire de la musique électronique. 2000 (2004 pour la traduction française). Voila la seconde bible de cet univers. Accompagnant un documentaire filmé portant le même titre, Modulations est un travail un peu plus analytique, moins volontiers poétique que le livre de Toop. Mais c’est une mine d’informations, et il paraîtra un peu moins hermétique à ceux qui ne sont pas déjà amateurs de musiques électroniques. L’index du livre est très riche, il propose un véritable lexique des termes techniques, du matériel utilisé et des principaux acteurs de cette musique dont il retrace l’histoire, les énergies, les principes créatifs et les impacts. Le livre s’ouvre sur un entretien mené avec un des pionniers de cet univers qu’est Pierre Henry, et se clôt sur les très intéressantes interviews de Robert Moog, puis d’Alvin Toffler. Le livre fournit de plus une discographie plus qu’intéressante. Voila de quoi occuper les oreilles un bon moment.
Le site de Robin Rimbaud : http://www.scannerdot.com qui s’apparente plutôt à un blog enrichi. Le compositeur y livre une vue d’ensemble sur ses projets, on y trouve de la musique écoutable, on y trouve aussi sa discographie. Mais on y découvre aussi, mois par mois depuis plusieurs années, ses influences, tant musicales que cinématographiques et littéraires. Et rien que pour ça, c’est une mine de nouvelles rencontres, comme si vous découvriez que là, en bas de chez vous, il y a un bar où se donnent rendez vous toutes les personnes les plus passionnantes du monde !
Ecoutes associées :
Les disques de Robin Rimbaud, évidemment, dont vous trouverez la liste sur son site.
An Anthology of Noise & Electronic Music, Quatermass records, volume 1 édité en 2000. Véritable mine d’or. Il s’agit d’une collection de compilations qui retracent les expérimentations sonores de tous ceux qui ont travaillé sur ce matériau étrange, souple, puissant, que sont les sons électroniques. On balaye là un spectre sonore très vaste qui va du collage de bande magnétique aux possibilités offertes par la numérisation du son. On croisera donc aussi bien Pierre Schaeffer que Sonic Youth. Ici encore, c’est à un véritable voyage qu’invitent ces compilations.